Quand le rire se met en jeu !
C’est quand la dernière fois que vous avez éclaté de rire en jouant à un jeu vidéo ?
Ça vous est déjà arrivé d’exploser de rire en jouant à un jeu vidéo ?
C’est plutôt rare non ? Et puis ce rire est parfois… comment dire… disons un produit indirect du jeu. Autrement dit, plutôt que d’être écrit et planifié par les développeurs, ce rire est involontairement provoqué. On ne rit pas avec le jeu, on se rit de lui.
Nous avons toutes et tous vu des jeux moqués sur la place numérique et ridiculisés par des bugs les transformant en installations d’Art Moderne…
Personnages flottant à 50cm au dessus du sol dans une position grotesque ou coincés dans un angle de mur pour s’agiter frénétiquement comme des breakdancers sous PCP ; globes oculaires détachés de leur orbite, bouches en lévitation devant des visages de Monsieur Patate improvisés…
Les exemples ne manquent pas !
Les jeux de la série Assassin’s Creed, comme beaucoup d’autres jeux Triple A à monde ouvert, sont souvent des oasis pour les bugs en tout genre durant les premières semaines de leur sortie.
Assassin’s Creed Unity (2014), Cyberpunk 2077 (2020) ou Pokémon Legends: Arceus (2022) ont ainsi fait les frais de ces “vidéos gag” prenant la forme de compilations de bugs d’affichage plus ridicules les uns que les autres.
Des campagnes marketing aussi virales qu’involontaires, façon “tartes à la crème numérique”, dont se seraient bien passés les éditeurs !
Toujours dans le domaine de l’humour périphérique, il arrive aussi que le jeu vidéo passe au second plan, pour devenir un accessoire dans la panoplie de créatrices et créateurs de contenu au rire communicatif. Je n’oublierais jamais ces vidéos de japonais hilares s’inventant de nouvelles règles en jouant à Super Mario 641!
Mais voyez-vous dans le jeu vidéo des équivalents à des classiques de la comédie comme Sacré Graal, Crazy Kung-fu, La Cité de la Peur ou Kaamelott par exemple ?
Êtes-vous déjà tombé de votre canapé, pour vous tordre de rire sur le sol, manette en mains ?
C’est une vraie question ! N’hésitez pas à y répondre dans les commentaires à la fin de l’article et à partager les jeux qui vous ont fait le plus rire. Je suis loin d’avoir fait le tour de la question tant celle-ci est personnelle ! 🙂
Est-ce qu’au final l’interactivité d’un jeu vidéo n’est pas une entrave quand il s’agit de rire ?
Ces questions quant à la place de l’humour dans le jeu vidéo me sont venues à l’esprit à plusieurs reprises récemment.
D’abord, en jouant à Untitled Goose Game il y a un peu plus d’un mois avec des enfants hilares qui découvraient le jeu ! Ce titre indépendant est un peu un OVNI d’ailleurs. Sorti en 2019, il permet d’incarner… une oie ! Mais pas n’importe quelle oie. Une oie facétieuse, qui tente par tous les moyens de faire tourner en bourrique les habitants d’un petit village.
L’oie portée sur les farces en tout genre de Untitled Goose Game, peut se dédoubler à l’écran et faire deux fois plus de dégâts dans le voisinage avec le mode coopératif en local (ajouté un an après sa sortie) !
Derrière ce puzzle game atypique qui demande d’accomplir des tâches aussi truculentes qu’inhabituelles - comme : “arroser le fermier”, “enfermer la marchande dans son garage” ou “faire recracher son thé au voisin” - se dissimule un hommage à la comédie slapstick des grands artistes du muet comme Charlie Chaplin et Buster Keaton. Et il renvoie aussi aux cartoons des années 40/50, également centrés sur l’art de la comédie physique.
Untitled Goose Game est un jeu où l’on rit des mésaventures de personnages qui ne sont autres que des ersatz du Tom de Tom & Jerry, ou du Coyote dans Bip Bip et Coyote. Et les héros de ces dessins animés partagent avec nos oies une apparente fragilité (comme celle de la proie ou du maladroit chronique) qui permettent aux joueurs d’incarner sans trop culpabiliser le rôle de tourmenteur en chef !
On sourit sans doute plus que l’on ne rit en jouant à Untitled Goose Game, mais il devient vraiment facile d’éclater de rire lorsque l’on joue à plusieurs !
Car si le rire se pratique en solo, il prend toute son ampleur en multijoueur.
Comment, en effet, ne pas parler ici de ce rire qui échappe (en partie) au jeu pour toucher notre expérience partagée de ce dernier ?! Ces crises de fou rire durant les heures passées à jouer en multi à des FPS comme Duke Nukem 3D, Heretic ou Quake III Arena… Les éclats de rire devant le spectacle du désespoir surjoué du joueur ou de la joueuse qui vient de se prendre une carapace bleue à 10cm de la ligne d’arrivée dans Mario Kart 8 Deluxe… La mine déconfite de la personne qui se tue avec sa propre bombe ou sa propre flèche dans Bomberman, Worms ou Towerfall Ascension…
Le fail épique reste une valeur sûre du rire qui accompagne nos cessions de jeu !
Les exemples ici sont légions et nous sont à toutes et à tous, personnels. Je dirais simplement qu’il est peut être plus difficile de rire lorsque le jeu multi en question cherche à reproduire avec réalisme le spectacle de la guerre (Call of Duty, PlayerUnknown, etc.) et se pratique uniquement dans un esprit de compétition...
Et encore ! Un ami a ainsi partagé avec moi le souvenir ému de ses parties fermées à Call of, avec 3 de ses potes, où seul le couteau était autorisé mais où parfois une grenade pouvait s’inviter pour exploser dans l’hilarité (quasi) générale !
Pour répondre à la question posée plus haut, quand le jeu vidéo se pratique à plusieurs (surtout sur un canapé ou dans une pièce commune), son interactivité n’est pas une entrave à l’humour, bien au contraire !
Mais le rire est aussi (et peut être même avant tout ?) une histoire de mots.
Et là, un genre s’impose d’emblée comme le chef de file de l’humour “made in video game” : le jeu d’aventure point & click !
Il s’agit définitivement du genre qui m’a fait le plus rire, souris à la main. Monkey Island 2 (1991) et Day of the Tentacle (1993) sont deux exemples qui me viennent immédiatement à l’esprit, mais d’autres séries ont su se distinguer par leur qualité d’écriture et / ou leur capacité à créer des situations burlesques : Space Quest (86), Sam & Max (93), The Legend of Kyrandia (92), Deponia (2012)...
Et si le genre point & click nous fait rire, ce n’est pas uniquement par le truchement de ses mots, mais aussi par la manière interactive dont ces derniers nous sont convoyés. Prenons l’arrivée, au tout début de Monkey Island 2, de Guybrush Threepwood…
Lorsque ce flamboyant loser, héros de la série, débarque à Scabb Island fier comme un paon et les poches remplies de trésors, pour se faire secouer comme un vulgaire pantin au dessus d’un pont par un shérif mal luné faisant la moitié de sa taille, la situation et les dialogues sont évidemment hilarants en soit. Mais ce qui rend la scène particulièrement croustillante, c’est que tous ces trésors, avant de finir au fond de la mer, étaient tous visibles dans notre inventaire, et que l’on pouvait cliquer sur eux pour lire UNE TONNE de commentaires fanfarons de Guybrush !
La mise en scène interactive de la déconfiture du héros ajoute énormément à notre amusement !
Un autre exemple, un rien hybride, dans le genre aventure point & click est le jeu français There is No Game. Développé par le studio Draw Me A Pixel fondé par Pascal Cammisotto, ce titre fait du jeu lui-même un personnage qui refuse de se laisser jouer en feignant de ne pas fonctionner, voire de ne pas exister ! Très second degré, bourré de clins d’oeil, original et ingénieux, There is No Game, sorti en 2020, doit beaucoup au prochain jeu dont nous allons parler : The Stanley Parable !
Entre le puzzle game et le jeu d’aventure point & click, l’humour de There is No Game repose autant sur la qualité de son écriture que celle de son interprétation par un narrateur aussi condescendant que porté sur la vanne !
Héritier du point & click, le genre du “walking simulator2” joue lui aussi de son interactivité pour produire du rire. Je pense ici à l’incroyable The Stanley Parable (2013) qui s’amuse à briser le 4ème mur pour commenter nos actions dans le jeu.
The Stanley Parable est récemment ressorti en 2022 dans une version Ultra Deluxe sur la plupart des plates-formes. Un jeu délicieusement écrit dont l’humour repose également sur son interactivité.
L’astuce du narrateur caustique qui commentent avec humour notre partie peut même se retrouver dans des genres inattendus, comme le jeu de plates-formes / puzzle par exemple !
Thomas Was Alone, sorti en 2012, était ainsi entièrement narré et donnait même des personnalités aux différentes formes géométriques que l’on contrôlait. Le tout avec cet humour typiquement anglais, à la fois raffiné et absurde, qui finit de donner à ce titre un charme fou.
Thomas Was Alone a été adapté sur Switch en 2021 et peut donc désormais se jouer sur toutes les plates-formes ! Il vaut le coup !
D’autres jeux se distinguent également par la qualité autant que la causticité de leur narration. Comment ne pas citer Portal 2 par exemple, et tout particulièrement son mode coopératif à deux, ou le méconnu BattleBlock Theatre du studio indie The Behemoth.
Dans ce jeu de plates-formes / puzzle jouable en solo ou en coop’ à 2, le ton adopté est celui d’une comédie théâtrale où le narrateur déroule l’histoire avec humour, tout en poussant la chansonnette par moment ! Cet habillage sonore, qui va de paire avec une direction artistique atypique et des personnages très expressifs, font de BattleBlock Theatre un petit bijou d’humour et un jeu aussi rare qu’inoubliable !
Pour revenir à la vue subjective et aux raisons de l’existence de cet article, j’ai récemment joué à The Exit 8, un jeu indépendant japonais, souvent très drôle, dont Nicolas va nous parler dans le prochain podcast Pixel Bento (à paraître dans quelques semaines). Dans ce simili puzzle game, point de narration, ni même de dialogues ! Tout se joue sur l’observation, et c’est l’absurdité des situations présentées qui, en me prenant totalement par surprise, m’a à plusieurs reprises fait rire aux éclats.
Je crois d’ailleurs que l’on peut dire que cette absurdité, cette appétence pour l’humour non sensique, est un peu l’apanage du jeu japonais !
Comment ne pas citer des séries comme : WarioWare, avec ses minigames qui nous demande, par exemple, de bouger un doigt à toute vitesse pour aller le fourrer dans une narine !
Une autre des 200 et quelques mini épreuves, plus absurdes les unes que les autres, de WarioWare: Get It Together ! sorti sur Switch en 2021 !
Ou Katamari Damacy, avec tous ces objets insolites, de la paire de ciseaux au sushi, en passant par la vache et le groupe d’écoliers, que l’on doit agglomérer ensemble pour en faire une grosse boule qui ne cesse de grossir !
Et puis qui se souvient ici du jeu WiiWare Muscle March ?! On y incarnait un bodybuilder lancé à la poursuite d’un voleur ! Sauf que ce voleur défonçait tous les murs devant lui et que l’on devait parvenir à se faufiler dans les trous qu’il laissait derrière en prenant des poses ridicules à l’aide du combo Wiimote / Nunchuck de la Wii !
Comme précisé dans cette critique diffusée sur la chaîne TV Nolife en 2010, Muscle March est un bakagé (バカゲー), l’abréviation japonaise de “jeu stupide” ! Voilà un titre qui mériterait un petit remake HD sur Switch !
La capacité du jeu vidéo à créer un dialogue avec nous, à se jouer de nous, mais aussi à mettre en scène, voire en abîme, notre rôle dans le dispositif vidéoludique, est l’un des leviers par lequel il parvient le plus facilement à nous faire rire.
Mais si le jeu vidéo peut indéniablement produire du rire, et que les moyens par lesquels il l’obtient sont multiples et lui sont parfois uniques, il faut avouer qu’il reste relativement rare.
En fait c’est souvent le sourire qui s’impose... Le rire, lui, se fait plus timide et se déploie beaucoup plus facilement lorsque l’expérience de jeu est partagée !
Mais lorsqu’il surgit, il est souvent inoubliable !
PS : Les images et vidéos de Untitled Goose Game, WarioWare: Get It Together! et There is No Game ont été capturées par mes soins à partir de versions commerciales sur Switch. Les autres screenshots proviennent des sites suivant : Eurogamer pour Assassin’s Creed Unity ; Scummbar pour Monkey Island 2 ; Team17 pour Worms 2: Armageddon ; Double Fine pour Day of the Tentacle Remastered ; et enfin les sites officiels de Return to Monkey Island et The Stanley Parable.
Je ne suis pas parvenu à retrouver ces vidéos malheureusement ! Elles ont à priori été retirées de YouTube…
Le “walking simulator” s’apparente généralement à un jeu d’aventure / exploration, sans combat et en vue subjective.
Muscle March… Cette killer app de la Wii ! C’est la définition des jeux japs WTF comme je kiffe. 😍
Ça a été cité, mais les jeux PG le font mourir de rire, notamment TWF101. Quel jeu ! 🤩🤩
Un des jeux qui m'a fait le plus rire est sans doute Disco Elysium : le fait d'incarner un looser qui peine à faire ses lacets est propice à tout un tas de blagues. Je me souviens de certains moments où je pouffais tout seul devant l'écran dans le train en essayant d'éviter le regard de mon voisin d'en face 😄
Plus récemment, j'ai bien rigolé devant le dernier Yakuza ou encore avec Frog Detective, dont les gros plans sur tête du personnage principal suffisent à me faire décrocher un sourire.