J’ai commencé à gravir ma “pile of shame” !
Ces jeux que l’on achète sans jamais y jouer et qui s’accumulent, et s’accumulent, alors que l’on vient (encore) de craquer sur la dernière nouveauté du moment !
Quand on aime on ne compte pas, dit-on… Un adage vieux comme le monde, qui se déclame avec un sourire gêné lorsque l’on parle de ces jeux vidéo qui s’entassent dans un coin !
Avec l’avènement du numérique, cette pile of shame1 affiche en effet des tendances kaiju-esques2, vous ne trouvez pas ? Ces jeux souvent achetés sur un coup de tête, l’insistance d’un(e) ami(e), à l’occasion de soldes, ou simplement en s’auto-persuadant que l’on trouvera bien le temps d’y jouer, s’entassent désormais davantage sur des étagères faites d’octets, plutôt que de bois.
J’imagine que je ne suis pas le seul dans ce cas non ?! N’hésitez pas à partager l’étendue ou le contenu de votre pile of shame dans les commentaires !
Et ces piles de la honte numériques sont quelque peu sournoises. Elles ont en effet des méthodes de croissance inédites, comme l’abonnement PlayStation Plus qui vient ajouter deux ou trois jeux par mois à notre stock de jeux à jouer ! En Avril, c’est ainsi le jeu Sifu qui s’est greffé à ma ludothèque (shame-othèque ?) PS5… Ça tombe bien j’avais très envie de le faire au moment de sa sortie !
Car au-delà même de la petite conscience pragmatique, qui vient nous susurrer à l’oreille sur un ton de reproche que “ce n’est pas sérieux” et que “c’est de l’argent jeté par les fenêtres”, bref, au-delà de la défiance du portefeuille, c’est également le temps qui nous manque.
En ce qui me concerne, par exemple, le temps de finir le dernier livre débuté il y a deux mois ; de lire tous ces magazines précommandés sur des plates-formes de financement participatif, et à peine feuilletés ; ou de regarder cette incroyable série conseillée par des amis depuis trois ans…
Mais je suis sûr que vous voyiez tout à fait ce dont je parle ! Tout ce temps à rattraper grince des dents lorsqu’un nouvel achat vient subrepticement se faufiler dans notre file d’attente culturelle !
Bon, ceci dit, pour le jeu vidéo j’ai quand même quelques excuses ! Après avoir travaillé plus de 20 ans dans la presse spécialisée JV, le fait de vouloir “coller à l’actualité” est devenu une seconde nature.
Certaines œuvres culturelles sont des événements en soit, et ne pas en parler au moment où elles s’invitent dans toutes les conversations, pour s’emparer des médias et des réseaux sociaux, est quasiment… contre-nature.
C’est maladif ! L’existence même de cette newsletter hebdo est en partie liée à la frustration d’être toujours “décalé” par rapport à l’actualité avec le podcast mensuel Pixel Bento ! Mais l’envie de parler du dernier jeu, ou du dernier événement culturel en date, ne peut guère se substituer à la réalité : mon temps, comme le vôtre, n’est pas extensible à l’infini.
Et l’actualité vidéoludique, sans parler de l’actu culturelle en générale, se présente sous la forme d’un nouvel Everest à gravir tous les mois !
Résultat, les jeux comme les envies s’accumulent…
Car en ce qui me concerne, cette pile of shame échappe à toute réalité physique ou numérique. Je n’ai pas besoin d’avoir acheté un jeu pour culpabiliser de ne pas y avoir joué !
Autour de moi, les recommandations fusent comme autant d’hameçons, et le “quoi, tu ne l’as jamais fait !?” un rien inquisiteur n’est jamais très loin. En discutant avec des amis bien sûr, mais aussi en écoutant des podcasts, lisant des infolettres ou en évoluant sur un réseau social comme Bluesky… les reco fusent et s’empilent dans un coin de ma tête.
Mais récemment, un changement inattendu s’est opéré… Je pense parvenir, peu à peu, à résister à cette dictature de l’actualité.
Alors soyons honnêtes, le jour où Hollow Knight: Silksong, GTA VI ou n’importe quel Super Mario, Zelda ou Metroid sortent, je vais me jeter dessus comme un morfalou. Comme je me suis jeté sur Final Fantasy VII: Rebirth en ce début d’année par exemple ! Même si ce dernier profite également d’un aiguillon unique : la peur de se faire spoiler…
Mais la finition récente, et “décalée” par rapport à leur sortie, de vraies petites bombes comme Inscryption (2021) ou Gravity Circuit (2023), m’a permis de revoir ma posture et mes habitudes afin de privilégier une approche plus “décontractée du calendrier” de ma pratique du jeu vidéo.
Je me suis (en partie) libéré de mon addiction à l’actualité, et j’ai ainsi pu commencer à gravir ma pile of shame.
La preuve, sur les conseils d’amis, j’ai récemment commencé à jouer à Untitled Goose Game (2019) et Tunic (2022), que mon filleul m’a offert il y a peu et que l’on ne cesse de me recommander depuis sa sortie !
Des jeux dont tout le monde a déjà parlé et qui sont définitivement “sortis de l’actu”.
Mais attention, l’idée, ici, n’est pas de rattraper mon retard ! Car finalement ce ne serait que reculer pour mieux sauter !
Non, j’essaye simplement d’aborder l’offre vidéoludique en dehors des spots de lumière qui accompagnent leur lancement, même si tous les jeux ne sont pas logés à la même enseigne. Combien de “petits” jeux indépendants sont en effet totalement ignorés alors que le dernier Triple A ou blockbuster vidéoludique devient l’objet de toutes les attentions, même si ce n’est que pour se faire dunker dessus ?
Tenter de suivre l’actu, surtout en dehors du cadre d’une équipe rédactionnelle, revient à courir après une chimère… Nous ne sommes pas des applications à mettre à jour, rien ne nous oblige à nous plier au diktat de l’actu.
Et rien ne nous oblige non plus à culpabiliser pour avoir acheté un jeu qui nous faisait méchamment envie. Car après tout, le succès d’un titre durant les semaines qui suivent sa sortie reste important et potentiellement déterminant pour l’avenir d’un studio de développement, en particulier les plus petits.
Attendre possède aussi ses vertus…
Le temps affute notre esprit critique. Les jeux que l’on conseille, ou que l’on nous conseille, dans l’actu ne sont plus les mêmes 2 ou 3 ans plus tard. Une sélection naturelle s’opère avec le recul et les recommandations se font plus affutées.
Finalement, seule la crème de la crème reste ! Un jeu comme Inscryption n’a jamais cessé de m’être recommandé, même des années après sa sortie. C’est évidemment un gage de qualité. Et le résultat est là : quel bonheur ! Une vraie merveille !!
Notre pile of shame, quelle que soit la forme qu’elle prend, peut ainsi être considérée comme un coffre au trésor. Un coffre un peu spécial, qui avec le temps aurait tendance à polir ses trésors les plus rares.
Alors je vais prendre mon temps, sereinement, pour jouer à Tunic, sorti en 2022. Et je ne vais pas culpabiliser de ne pas jouer à Balatro, Pepper Grinder, Sifu, Tchia ou Jusant, pour n’en citer que quelques-uns ! Ma pile of shame n’est rien d’autre qu’une pile of opportunities. Des trésors absolument pas cachés qui n’attendent que le coup de pouce de l’opportunité ou du conseil “de trop”, celui qui va finalement nous faire craquer et donner sa chance à un jeu qui a su passer l’épreuve du temps et subsister dans l’ombre d’une étagère.
Car l’actu est une sirène dont le chant, aussi irrésistible soit-il, peut être trompeur. Le temps, lui, agit comme un tamis au travers lequel les jeux glissent comme autant de grains de sable… seules les pépites restent. Ça tombe bien, ce sont elles qui m’intéressent ! Pas vous ?
PS: les images de Gravity Circuit, Final Fantasy VII: Rebirth, Inscryption et Tunic ont été capturées par mes soins à partir de versions commerciales PS5 (FF7 Rebirth) et Switch (tous les autres jeux). Les visuels de Sifu et Suicide Squad sont issus de leurs sites officiels respectifs.
Une “pile of shame”, qui signifie littéralement “pile de la honte”, est l’expression utilisée pour parler des jeux que l’on a acheté mais auxquels nous n’avons jamais joué, et qui s’entassent dans un coin à notre plus grande… honte !
Un kaiju est un monstre géant japonais, comme Godzilla ou Gamera. Par “kaiju-esque”, j’entends donc : gargantuesque !
Mais est-ce qu'on est obligés de consommer tout cela? Dans quel but?
Peut on agir, construire, créer à la place?
Je remets en doute ma consommation de jeux vidéo dans ma vie. J'ai toujours hyper consommé. Je pense que j'apprécierai davantage en profitant autrement.
Merci Thierry pour tes articles, qui font souvent mouche chez le vieux gamer que je suis.
Depuis le début de l'année, je suis en proie avec la même prise de conscience au sujet de mon backlog, victime d'une boulimie aigüe.
Le temps nous manque, c'est un fait. Entre les jeux vidéo, les manga, les anime, la littérature, le cinéma, les sorties (culturelles ou non), le moindre moment de temps libre est irrémédiablement dévoré par un de ces loisirs.
Toutefois, concernant le jeu vidéo, et c'est une discussion que j'ai souvent avec mes camarades gamers et quadragénaires, la problématique est un peu différente. Coller à l'actualité n'a jamais été important pour moi, j'ai depuis longtemps passé outre cette nécessité de jouer à la dernière nouveauté un peu mainstream et à la mode. Je suis un "delay gamer" et j'aime découvrir les jeux après tout le monde, une fois la hype digérée (et comme le signale d'autres ici, cela permt souvent de profiter de versions "complètes" et complétées). Mon "problème" se situe à un autre endroit : l'exhaustivité chronologique.
Je m'explique : il m'est difficile de jouer à une suite si je n'ai pas fait l'épisode précédent. Pas de Metroid Dread sans Metroid Fusion, pas de Mario Wonder sans Mario Odyssey, pas de FF XVI sans FF XV. Du coup, je me retrouve assez vite débordé de jeux à faire, d'autant que je continue d'acheter des titres qui sont rarement des one-shots (j'ai acheté il y a peu Persona 5 Tactica, je te laisse dresser la liste des jeux que cela implique).
Mes incursions dans le retrogaming étant très fréquentes, c'est sans fin et vertigineux.
Alors comme toi, j'ai décidé de m'attaquer à ma pile de jeux, je ne sais pas si je vais m'en sortir un jour, mais au moins j'aurai essayé !