Donkey Kong Bananza est le nouveau Mario 3D
Nintendo s’attaque aux fondations du jeu de plates-formes avec une boule de démolition poilue et sérieusement accroc aux bananes !
Je ne savais pas trop à quoi m’attendre avec ce Donkey Kong Bananza…
Certes, ça sentait plutôt bon. Après le savoureux Nintendo Direct spécial DK de 17 minutes diffusé mi-juin, qui donnait une idée plus précise de ses ambitions, j’étais prêt à accueillir un excellent jeu. Mais quel type de jeu exactement ? Et à quel niveau d’excellence ?
Nintendo est le grand architecte du genre plates-formes (l’un de mes préférés !).
C’est sur les échafaudages rouges sur lesquels dévalaient en 1981 des tonneaux propulsés par un singe géant et au-dessus desquels sautait gaillardement un moustachu à casquette, que les fondations du genre ont été coulées.

De 1981 à aujourd’hui, Nintendo n’a cessé de redessiner les contours du genre plates-formes, tel un designer industriel en quête de la “forme” parfaite, qui crayonne fiévreusement des feuilles blanches pour prototyper encore et encore.
Avec Super Mario 64 en 1996, ils se sont emparés de la 3D pour littéralement propulser le genre dans une nouvelle dimension. Et depuis chaque nouvelle itération tridimensionnelle s’appuie sur une mécanique de jeu originale qui cherche à transcender / transformer la notion même de “saut”.
Super Mario Sunshine a introduit une version aquatique du jetpack en 2002 ; Super Mario Galaxy, en 2007, s’est réapproprié la gravité ; Super Mario 3D World a sorti ses griffes (de chat) tout en imposant une approche multijoueur en 2013 ; et enfin, en 2017, Super Mario Odyssey a insufflé vie à la casquette de Mario pour lui permettre de sauter dans le corps de ses ennemis (sans jamais sacrifier sa moustache), que ce soit un Goomba, un Bullet Bill (Bill Balle) ou Bowser en personne !
Et voilà que débarque aujourd’hui Donkey Kong Bananza, dont une récente interview réalisée par Nintendo a confirmé qu’il a été développé par l’équipe en charge de Super Mario Odyssey.
Et pour celles et ceux qui l’avait terminé, ce n’est pas vraiment une surprise.
Super Mario Odyssey se terminait en effet alors que Mario “possédait” Bowser pour tout détruire devant lui à grands moulinets de bras, avec la Princesse Peach perchée sur son épaule !
Voici une petite vidéo de la séquence en question 👇
Marcher en détruisant tout sur son passage n’est pas seulement dans l’ADN de la pop culture japonaise, avec ses Godzilla, Gamera et autres kaiju réduisant des villes entières à l’état de ruines, c’est aussi une composante majeure du jeu de plates-formes Mario depuis ses débuts. Des blocs brisés à coups de poing ou à l’aide d’une carapace de Koopa, en passant par l’étoile qui nous rend invincible, Mario n’a jamais manqué une occasion de tout écraser sur son passage.
Et lorsque l’équipe qui venait de finir Super Mario Odyssey s’est vu confier la tâche de créer un Donkey Kong 3D afin de développer une franchise sur laquelle Nintendo mise beaucoup depuis quelques années, la destruction allait de soi, comme l’explique le producteur du jeu, Kenta Motokura, dans Les développeurs ont la parole, Vol. 19.
Dans une série à l'existence aussi longue, il est important d'assurer à la fois la continuité et la nouveauté, mais nous tenions à ce que ce titre démontre tout l'attrait du personnage de Donkey Kong. (...) Sachant que ce jeu deviendra l'emblème de Donkey Kong en 3D et avec pour thème la mise en avant des forces et des nouvelles actions de Donkey Kong, nous avons pensé que le concept de « destruction » serait bien adapté.






Hommage non assumé (pour des raisons juridiques !) à King Kong, le personnage créé par Miyamoto a toujours été défini par sa force. Que ce soit en balançant des tonneaux à tour de bras ou en envoyant des patates de l’espace dans la tronche de King K. Rool et ses sbires, c’est l’incarnation la plus pugilistique qui soit du gorille !

Comme ce fut le cas pour les équipes de développement Nintendo, le voir briser les murs et creuser le roc à mains nues tel un marteau-piqueur simiesque dans Donkey Kong Bananza nous apparaît comme une évidence.
Je dirais même que cette proposition sonne ici plus juste qu’un Mario équipé d’une casquette magique…
Je vais vous faire un aveu. Si Super Mario Odyssey est objectivement un jeu de plates-formes exceptionnel, il n’a jamais profondément résonné en moi. Je trouve par exemple qu’Astro Bot est plus proche de Super Mario Galaxy (chef d’oeuvre absolu de la plates-formes 3D) que Super Mario Odyssey ne l’est. La structure semi-ouverte d’Odyssey, avec ses étoiles-lunes cachées un peu partout, que l’on pouvait trouver en soulevant une pierre croisée sur son chemin, diluait l’expérience plates-formes1. La composante purement acrobatique du genre, imposée par le séminal Super Mario Bros., était comme tenue à distance…
Donkey Kong Bananza, comme Odyssey, s’éloigne de la “pureté” d’un Super Mario Galaxy, pour proposer une approche détournée du jeu de plates-formes. Détournée, mais également parfaitement adaptée à son héros et à l’une des facettes clés du genre : le plaisir liée à la destruction, que Bananza exacerbe comme jamais.

Lorsque l’on prend en mains Donkey Kong pour la première fois, on est littéralement saisi par l’ampleur du chaos visuel créé à l’écran et la frénétique euphorie provoquée par la possibilité de tout désagréger autour de soi à la force de ses poings.
Rien, ou presque, ne résiste à Donkey. Il peut creuser dans toutes les directions tant qu’une surface dure, le vide ou une matière dangereuse ne vient pas interrompre sa percée.
Il peut également arracher des morceaux de décors pour les transformer en projectiles ou en planches de surf improvisées (!), un peu comme Link utilise son bouclier pour surfer dans The Legend of Zelda BOTW et TOTK. Les tunnels, éboulements, mais aussi les vestiges de structures épargnées par la rage de DK qui flottent dans les airs comme des mini îles échappées d’un Final Fantasy ou un Avatar, ne s’effacent pas sitôt créés. La destruction est “persistante” et l’environnement ne se régénère que lorsque l’on change de strate (de monde) ou si l’on active l’option proposée sur la carte.
Le résultat visuel est saisissant. Un monde de Donkey Kong Bananza, après quelques dizaines de minutes de jeu, ressemble à une map de Worms au terme d’un épique affrontement à 4 joueurs. Le niveau sculpté par les level designers s’est transformé en une espèce de grotesque morceau de gruyère !
Plus étonnant encore, cette destruction n’est pas dénuée de stratégie grâce à l’emploi de différentes matières dans la constitution des terrains, qui viennent changer leurs propriétés et la manière dont elles réagissent entre elles. Explosives, corrosives, adhésives, plus ou moins résistantes… On ne lance pas tout sur n’importe quoi !
Détruire est un plaisir primitif et enfantin. Qui ne s’est pas amusé à faire s’écrouler une tour de jenga ou un château de sable ?
La série des jeux LEGO (Star Wars, etc.), initiée par le studio Traveller's Tales en 2005, doit certainement une partie de son énorme succès à la possibilité de faire voler en éclat les briques de LEGO. Des jeux indépendants devenus des phénomènes tournent entièrement autour de ces mécaniques. Je pense au récent A Game About Digging A Hole par exemple, où le but est de creuser un trou dans son jardin à la recherche de trésors ! Et comment ne pas mentionner le jeu de plates-formes / roguelite Spelunky ou Minecraft !?
Tout est fait dans Bananza pour amplifier et raffiner l’euphorie créée par cette orgie de destruction.
Des animations cartoonesques de DK, dont le design retouché a “libéré” sa bouche, qui se contorsionne désormais comme celle de l’acteur Jim Carrey (!), en passant par l’incroyable travail sur les bruitages réalisés en foley, c’est à dire à la main à l’aide d’objets réels… On est immergé dans notre entreprise de démolition ! Et je ne parle même pas des transformations de DK en d’autres types d’animaux (pas de spoils au-delà de celles révélées dans les premiers trailers, mais whaou…), qui débloquent la plupart du temps de nouvelles façons de tout casser !
Après 25 heures de jeu, j’ai fini Bananza et commencé à avoir un aperçu du end game que je vais déguster à petites doses cet été. Ce dernier me semble plutôt bien parti pour être aussi généreux que celui de Super Mario Odyssey, d’autant que je suis loin d’avoir fait le jeu de base à 100%.
Bananza, comme Odyssey, est un jeu de plates-formes hybride, qui s’appuie sur une nouvelle mécanique de jeu pour élargir le champ d’action des joueurs et leur offrir une immense liberté de mouvement. L’approche DIY du gameplay rappelle celle des nouveaux Zelda 3D et s’inscrit dans la nouvelle ère Nintendo, placée sous le signe de l’autonomie du joueur. Mais Donkey Kong Bananza est bel et bien le nouveau Mario 3D. Il est aujourd’hui à la Switch 2 ce que Odyssey fut à la Switch.
Enfouie sous des tonnes de débris se cache une mécanique de saut dont la complexité rappelle celle d’Odyssey. “Bouger” son personnage reste toujours un plaisir, ce qui est à LA marque d’un bon jeu de plates-formes 3D.
Mais jamais Nintendo n’avait été aussi loin dans le remodelage du genre. Et le fait qu’il se soit servi d’un personnage autre que Mario pour ce faire, est à mon humble avis une excellente idée qui laisse la place à d’autres types d’expérimentations avec la branche 3D des Super Mario !
Est-ce que le jeu est excellent ?
J’ai passé un incroyable moment avec Bananza et tout particulièrement apprécié les derniers environnements du jeu, les clins d’oeil surprises à la franchise DK Country, et certaines des transformations tardives, absolument incroyables. Ce titre est une nouvelle merveille à mettre aux crédits des équipes de développement Nintendo. Il démontre qu’une idée exploitée “à fond” (la destruction tout azimut), même si elle comporte des risques, est la meilleure façon de surprendre et séduire.
Alors le jeu n’est pas exempt de défauts non plus, le chaos visuel peut surprendre au début, voire déstabiliser (on s’y fait vite) ; le framerate à 60 images par seconde affiche quelques (rares) chutes assez visibles ; l’histoire ne fait (absolument) aucun sens et ses personnages sont unidimensionnels ; le character design part dans tous les sens avec une Pauline qui semble s’être évadée d’un long-métrage en images de synthèse DreamWorks…
Mais Donkey Kong Bananza a surpassé mes attentes, pourtant élevées, et n’a cessé de faire grossir mon enthousiasme jusqu’à sa conclusion. Et je peux déjà vous dire qu’il va rester pendant longtemps mon jeu défouloir préféré !
PS : Toutes les images et vidéos de Donkey Kong Bananza et Super Mario Odyssey illustrant cet article ont été capturées par mes soins à partir de versions commerciales tournant sur Switch 2. L’image du Donkey Kong de 1981 a été capturée à partir du jeu Nintendo World Championships: NES Edition. Les images de l’extension DK Country du parc Super Nintendo World et celle de Super Mario Bros. le film sont issues de leurs sites officiels respectifs.
Contrepoint : il suffit de regarder un speedrun du jeu pour s’apercevoir que Super Mario Odyssey est aussi un “pur” jeu de plates-formes, avec une mécanique de saut façon couteau-suisse d’une incroyable richesse qui permet les acrobaties et autres “funambuleries” (je vais déposer ce mot !) les plus… lunaires ! Mais il a, à mon sens, avant tout été conçu pour être joué et apprécié tel un jeu d’aventure / exploration.
C'est rigolo. J'ai survolé les commentaires ici et je ne m'attendais pas à ce que les Mario Galaxy reçoivent des critiques ou ne soient pas adulés :)
Oui, pour moi aussi, les Mario Galaxy font partie de mes Mario 3D préférés et je les place dans le top des platformers 3D. D'ailleurs, quelle déception que le 2 ne soit pas dans la compile des Mario 3D All Stars.
Allez, mon top perso des Mario :o (oui Du Mario 2D en top, on ne se refait pas :o)
https://www.senscritique.com/liste/mon_classement_des_mario/1797?mode=preview
J'en suis encore au tout début mais je kiffe.
Pour le moment, j'en suis toujours au stade dans lequel j'ai envie de TOUT détruire !
Du coup, je suis allé TRÈS lentement :)