Séparé(e)s pour mieux se retrouver !
Avec Split Fiction, le studio Hazelight poursuit son exploration d’une approche à la fois coopérative, narrative et surtout généreuse du jeu vidéo.

En l’espace de 11 ans et trois jeux, le volubile Josef Fares et le studio libano-suédois Hazelight sont parvenus à imposer leurs noms à travers une idée simple : jouer et vibrer, à deux.
Jouer ensemble, surtout lorsque l’on partage un canapé ou simplement un espace physique, est un vrai bonheur. Raison pour laquelle mon épouse et moi sommes toujours en quête de notre prochain : “jeu à deux”.

On a ainsi fini ensemble au fil des années une série de titres absolument mémorables, majoritairement développés par des studios indépendants. Des jeux comme Lovers in a Dangerous Spacetime ; Portal 2 ; Overcooked (1 et 2) ; Cuphead (et son DLC) ; Huntdown ; Towerfall: Ascension (la campagne coop’) ; PixelJunk Shooter (1 et 2) ; Streets of Rage 4 ; Don't Starve Together (un inoubliable survival à deux) ; TMNT: Shredder's Revenge ; BattleBlock Theater (meilleure narration du monde) ; Splinter Cell: Blacklist (ce final !) ; la série des BoxBoy! ; Animal Crossing: New Horizons… et j’en passe !
Le simple fait de lister ces jeux suffit à faire remonter d’innombrables souvenirs, allant des mini engueulades dans les cuisines sous pression d’Overcooked, aux épiques résurrections à tour de rôle de l’exigeant Cuphead, en passant par les hilarants sprints dans les étroits couloirs du vaisseau spatial de Lovers in a Dangerous Spacetime !



Autant vous dire que l’on s’est vite intéressés aux productions du studio Hazelight, qui prône depuis sa création en 2014 une approche 100% coopérative (pas de solo !), en écran partagé, avec en bonus l’ambition de raconter une histoire que n’aurait pas renié le grand écran.
Ce qui s’explique par le fait que le directeur créatif et fondateur du studio, Josef Fares, a débuté sa carrière dans le cinéma avant de se réorienter vers le jeu vidéo1.
A Way Out, le premier titre du studio, met ainsi en scène l’évasion de deux malfrats, Vincent et Leo, qui tentent de s’échapper d’une prison de haute sécurité dans les années 70, un peu à la manière de Clint Eastwood dans L'Évadé d'Alcatraz.
Très (trop ?) cinématographique, ce titre priorise malheureusement sa mise en scène au détriment de sa jouabilité (trop de QTE !), et il a fini par nous tomber des mains.

It Takes Two, en revanche, est parvenu à trouver un équilibre qui nous avait séduit lors de sa sortie en 2021. Son histoire d’un couple au bord de la rupture, qui se retrouve transformé en deux minuscules poupées et obligé bien malgré eux de coopérer, était étonnante.
Mais surtout, ce second titre du studio Hazelight faisait all in en termes de jouabilité.

Comme It Takes Two, Split Fiction est l’aboutissement d’une formule qui refuse de se limiter à un style de jeu pour proposer une multitude de gameplay différents.
Dans Split Fiction, Mio et Zoé, deux jeunes femmes cherchant à faire publier leurs écrits, sont invitées avec d’autres jeunes autrices et auteurs dans les bureaux d’une nouvelle “société d’édition” appelée Rader. Elles pensent toutes deux être là pour signer un accord de publication mais découvrent finalement qu’elles vont participer à une “expérience immersive”.
Mises devant le fait accompli, elles se retrouvent à devoir enfiler une combinaison pour se connecter à une machine qui leur permettrait “d’entrer” dans leurs histoires. Zoé est totalement hypée par l’expérience à venir, mais Mio, d’un naturel plus méfiant, observe avec appréhension. Et en voyant les autres participants entrer dans une léthargique lévitation à l’intérieur d’étranges bulles, elle décide au dernier moment qu’elle n’a pas signé pour ça.
Elle se retrouve alors confrontée à l’agressivité du PDG de Rader qui tente de la forcer à rejoindre sa bulle, et l’altercation qui s’en suit la voit basculer dans celle de Zoé.

C’est ainsi que la taciturne Mio se réveille bien malgré elle à l’intérieur de l’expérience virtuelle de l’affable Zoé ! Les deux jeunes femmes se retrouvent prisonnières des mondes qu’elles ont couché sur le papier, et passent de l’un à l’autre à travers des glitch fonctionnant comme des portails, tout en tentant de s’échapper et de percer à jour les véritables intentions de Rader.
Comme A Way Out et It Takes Two avant lui, Split Fiction est d’abord l’histoire d’une association forcée, où deux personnages vont devoir s’entraider et apprendre à se connaître dans le processus. Mais plus encore que le clash de deux personnalités, le jeu met en scène la collision de deux mondes.
Le premier, celui de Zoé, est médiéval-fantastique, plein de couleurs, d’aventures picaresques et de créatures magiques ; tandis que l’univers de science-fiction de Mio est violent, sombre et rempli d’explosions !

Ces deux mondes en cachent d’autres, plus courts, souvent aussi plus fous (le monde des cochons !), que l’on peut décider d’explorer. Ce faisant, on découvre en même temps que les héroïnes ce qu’elles ont pu inconsciemment ou non mettre d’elles-mêmes dans leurs histoires. Deux expériences de vie se dévoilent ainsi petit à petit à travers la fiction pour finalement rapprocher les deux autrices.
Une histoire à laquelle mon épouse a également bien accroché !
Le concept de base est original. L’idée de cette machine qui donne vie à tes histoires… On a tous envie de pouvoir vivre ça un jour ! Et puis j’aime beaucoup le fait que l’on joue deux héroïnes, ça permet d’explorer une dynamique d’interaction différente. Même si on n’évite pas les clichés liés aux drames familiaux, assez prévisibles finalement.
Il est d’ailleurs intéressant de noter que les jeux Hazelight se sont progressivement féminisés en partant des deux hommes de A Way Out, au couple hétéro de It Takes Two, pour finalement proposer une histoire 100% féminine avec Split Fiction !
Comme cela a toujours été le cas chez Hazelight, le jeu des actrices et des acteurs est excellent. Dans le rôle de Zoé on trouve Elsie Bennet (Laëtitia Lefèbvre en VF) et Kaja Chan dans celui de Mio (Emilie Rault en VF) ; et toutes deux parviennent à donner corps à leurs personnages aux antipodes l’un de l’autre.
Si vous souhaitez découvrir ces actrices et en apprendre davantage sur leur travail, une double interview promotionnelle est disponible sur la chaîne YouTube du studio Hazelight !

Mais ce scénario qui multiplie les allers et retours entre les mondes fictifs de ses héroïnes est aussi l’opportunité pour les game designer de se lâcher sur les séquences de jeu !
Chaque incursion dans un nouveau monde ou changement de décor est ainsi l’occasion de découvrir de nouveaux pouvoirs, transformations ou véhicules. Qu’elles se changent en singe géant, en poisson, en Ent (arbre géant)... courent sur les façades des immeubles d’une cité futuriste telles des Princesses de Perse ou sautent de pylône en pylône au dessus d’une marée d’orcs, nos héroïnes se réinventent sans cesse.

Ces séquences de jeu, boss compris, rendent souvent hommage à d’autres jeux et tout particulièrement aux jeux de plates-formes Mario 3D, et à d’innombrables classiques Nintendo (Metroid, Donkey Kong Country…). On a ainsi la sensation que l’équipe de développement a conçu Split Fiction comme un gigantesque Tetris dont chaque pièce serait un jeu différent.
Split Fiction alterne régulièrement entre une représentation 3D et 2D de ses mondes, y compris à l’intérieur d’une même séquence de jeu ! Comme ici, où Zoé et Mio doivent se protéger des explosions solaires derrière des parois protectrices !
Quand le jeu n’alterne pas entre la 3D et la 2D, il peut aussi jouer avec son split screen pour réunir par moment les héroïnes sur un même écran, voire proposer à l’un des joueurs de contrôler le décor, tandis que l’autre le traverse ! Il arrive aussi que l’on change carrément de genre pour soudainement se retrouver dans un run & gun, un shoot’em up à la Gradius ou dans un flipper !
Certains mondes alternatifs, accessibles via des glitch facultatifs, s’amusent aussi à radicalement changer la direction artistique du jeu, jusqu’à devenir profondément méta.

Le plus étonnant, c’est qu’avec tous les exemples que je viens de donner, je n’ai aucune chance de spoiler le jeu tant il est riche et étonnamment long (il faut compter une petite trentaine d’heures pour le faire à 100%) ! Mon épouse a d’ailleurs été aussi surprise que moi par cette richesse.
La variété est vraiment agréable, tout le monde trouvera une référence qui leur parlera ! En revanche, si comme moi les mouvements de caméra en 3D peuvent vous donner mal à la tête, quelques passages (surtout certains boss !) peuvent être difficiles et nécessiteront de faire une pause.
Alors le jeu n’est pas parfait, loin de là. Il joue ainsi la facilité en allant piocher à droite et à gauche ses propositions gameplay, ce qui donne par moment la sensation de jouer à une compilation plus qu’à un titre original. Son choix d’opposer deux mondes aussi “classiques” - médiéval fantastique et SF - et donc vus et revus dans le jeu vidéo comme au cinéma, contribue aussi au sentiment que Hazelight l’a joue “safe”.
Mais le fait que Split Fiction soit aussi ouvertement grand public est difficilement assimilable à un défaut rédhibitoire. Sa proposition radicale d’un jeu 100% coopératif, jouable à deux sur un même canapé (mais aussi en ligne), est suffisamment rare pour le rendre quasi indispensable !
Un exemple d’une séquence où Zoé “joue” le décor tandis que Mio tente de franchir une série d’obstacles ! Avez-vous reconnu le jeu qui a très certainement inspiré ce passage ?
Split Fiction a rencontré à sa sortie un joli succès critique et commercial et possède au moment où j’écris ces lignes une double actualité : sa sortie prochaine sur Switch 2 le jour du lancement de la nouvelle console Nintendo et l’annonce d’une adaptation ciné qui a été confiée au réalisateur John M. Chu, responsable de blockbusters comme G.I. Joe : Conspiration (nul), Crazy Rich Asians (sympa) et plus récemment Wicked (pas vu).
On s’est beaucoup amusé avec mon épouse ! Et le fait que le jeu alterne régulièrement ses mondes de fiction lui confère un petit côté série télé qui nous a permis d’y jouer par cessions épisodiques. Un format idéal, pour un jeu nettement moins stressant et “prise de tête” qu’un Overcooked par exemple, promesse de cessions de jeu plus… zen !
Et vous ? Quels sont vos jeux coop’ préférés ? N’hésitez pas à les partager dans les commentaires !

PS: Toutes les images et vidéos de Split Fiction ont été capturées par mes soins à partir d’une version commerciale PlayStation 5 (merci à Steen et Yoshi pour le prêt !). Les captures d’écran de Overcooked, Cuphead, Lovers in a Dangerous Spacetime, A Way Out et It Takes Two sont issues de leurs sites officiels ou de leurs pages Steam ! Enfin, la photo des actrices et de Josef Fares est tirée du compte X officiel du studio Hazelight. Un grand merci aussi à mon épouse pour avoir accepté de participer à cet article ! ❤️
On peut noter que Josef Fares a aussi réalisé le jeu vidéo coopératif (hé oui, déjà !) Brothers: A Tale of Two Sons pour le studio Starbreeze en 2013, avant de monter le sien.
Avec ma fille on a fait Brother remastered ps5, A way out, It takes two 2x (ps4 puis ps5) et bien sur split fiction. Pour ce qui est de Cup head c’est chaud on a abandonné pour le moment, mais on s’est mis sur le Sackboy adventure sur Ps5 qui est bien sympathique. Évidemment Mario kart deluxe mais également Super mario 3d world (switch) qui sans l’aide de mes deux filles je n’aurais probablement pas réussi a finir le stage ultime…
On est sans arrêt à la recherche de jeux coop, sur Super Nintendo, Goof troop est top, sur NES on a fait également les 2 Chip &Dale mais aussi Monsters in my pocket. Bref le coop local c’est le top surtout quand on a quelqu’un chez soit qui partage la même passion, le même besoin de partager une aventure à deux.
Coucou à toute la team Pixel Bento
Julien @MrDjou007
Un des rares jeux que j'ai acheté "day one". J'ai beaucoup aimé sa générosité mais je le trouve moins accessible qu'It takes two. Le niveau est assez relevé pour les joueurs occasionnels (mais évidemment diablement plus fun pour les joueurs confirmés. )
C'est hallucinant de voir tout le boulot accompli pour parfois quelques secondes de jeu.
Mention spéciale au dernier chapitre qui justifie le concept même du titre.
J'avais jamais vu ça avant. Très très curieux de voir ce que Fares nous réserve pour son prochain projet.
(Ah aussi, le coup du CAPTCHA, j'en pouvais plus de rire).
Concernant des reco de jeux couch coop (et dispo sur Souiche), Voici une petite sélection :
- Heave Ho (2 à 4j) : Du "traversal physiqué", une merveille de rigolade.
- Ms Splosion Man (2 à 4j) : "Platformer explosif" complètement déjanté.
- Assault Android Cactus (2 à 4j) : Twin stick shooter énervé, des boulettes, des gros boss, énorme sensation de puissance.
- Toodee and Topdee (2 j) : Puzzle platformer ingénieux, une merveille. Le dernier niveau est une belle surprise.