Le cyberpunk s'invite à Tokyo !
Ghost in the Shell, Appleseed... L'album photos de l’exposition tokyoïte consacrée du 12 avril au 17 août 2025 à l’oeuvre de Masamune Shirow.

Pour celles et ceux qui ont découvert Ghost in the Shell à travers son adaptation de 1995 en long-métrage animé, feuilleter le manga de Masamune Shirow est un choc.
Un choc d’abord esthétique, tant le manga diffère en termes de character design et de style. Mais aussi un choc narratif, les deux oeuvres se distinguant de façon assez nette en termes de ton. Plus austère et philosophique, l’adaptation culte de Mamoru Oshii ne possède ni l’aspect charnel, ni l’humour de l’oeuvre originelle.
Masamune Shirow est lui-même un fantôme. On ne connaît ni son véritable nom ni son visage.
Comme bon nombre de mangaka contemporains, il a ainsi préféré vivre dans l’ombre protectrice de l’anonymat. Un phénomène très loin d’être rare et qui a même tendance à devenir la norme aujourd’hui. Les autrices ou auteurs derrière de nombreux manga à succès, comme Oshi no Ko (Aka Akasaka), Jujutsu Kaisen (Gege Akutami), One Punch Man (One), Death Note (Tsugumi Ohba) ou Kimetsu no Yaiba (Koyoharu Gotouge), travaillent ainsi toutes et tous sous pseudonymes !
Cette exposition est donc ce qui se rapproche le plus d’une rencontre avec cet immense artiste.
Masamune Shirow est essentiellement connu en occident pour deux oeuvres : Ghost in the Shell (1989) et Appleseed (1985). Deux classiques qui partagent une vision unique d’un futur où humains et machines ne sont plus aussi aisément distinguables. Corps “augmentés”, cerveaux cybernétiques, intelligences artificielles autonomes… le mangaka explore un futur “cyberpunk” où le concept même d’humanité est questionné.

Un futur également ravagé par les guerres, où les personnages centraux sont souvent des guerriers d’élite appartenant à des organisations gouvernementales gangrénées par les luttes de pouvoir. L’opportunité pour l’auteur de confronter ses héros à de multiples interrogations, allant de leur allégeance morale, à leur libre-arbitre, en passant par leur propre identité.






L’exposition Masamune Shirow se tient actuellement au Setagaya Literary Museum, à 10mn en métro de Shinjuku.
L’entrée coûte 1500 yens, et il est conseillé de réserver ses places en ligne, même si les billets peuvent aussi être achetés sur place. Le billet vous donne aussi accès à la boutique de l’expo, remplie de figurines, T-shirts, cartes postales, et autres goodies inspirés des oeuvres du mangaka.



Le Musée fête également ses 30 ans cette année et il est possible de voir les couches sédimentaires des précédentes expositions ayant investi ses murs ! Toutes les oeuvres de Masamune Shirow sont ainsi affichées sur les restes des papiers qui ont été collés et déchirés lors des expo passées, ce qui donne au lieu un petit côté “atelier d’artiste” du plus bel effet.




L’exposition est malheureusement 100% en japonais et il faudra donc sortir son téléphone portable et Google Trad pour traduire les cartons explicatifs et autres affiches d’introduction pour celles et ceux qui ne parlent pas japonais.
Notons qu’il est possible de prendre autant de photos qu’on le souhaite avec son téléphone, ce qui est suffisamment rare pour être souligné ! Et si vous ne voulez pas vous embêter à tout mitrailler, il est possible d’acheter le livre de l’expo pour 4180 yens, soit environ 26 euros.







Enfin, le dernier espace de l’exposition est dédié à une série de créations réalisées par plusieurs mangaka ou artistes connus rendant hommage à l’oeuvre de Masamune Shirow.



Si vous êtes amatrices ou amateurs du trait de Masamune Shirow ou de Ghost in the Shell en général, et de passage à Tokyo dans les mois qui viennent, je ne peux que vous conseiller de faire un saut par cette expo, qui ouvre ses portes du 12 avril au 17 août 2025 !
J’espère que vous avez apprécié ce petit tour virtuel ! 😄



PS: Toutes les photos illustrant cet article ont été prises par mes soins lors de ma visite de l’expo Masamune Shirow, à l’exception de deux images issues du site officiel de l’exposition !
Roh, Thierry, pense à ceux qui ont découvert le manga édité par Glénat après avoir acheté le “manga” édité chez Kana (des captures du film remonté en BD).
Je ne sais pas comment dire combien Shirow a été une révolution graphique. Pourtant, des Macho Women With Guns, on en avait une belle collection à l'époque, comme « Le Quatrième Pouvoir » de Juan Gimenez.
Mais puisque l'hôte de ces lieux m'y invite… je dois confesser combien l'œuvre de Shirow m'a retourné depuis 30 ans.
J'ai découvert Shirow en achetant son art-book « Intron depot » et deux affiches dans une demoparty à Mont-de-Marsan en 1993 (Place to be, parait qu'un groupe de bordelais s'y constituait, Thierry, tu vois qui ?), d'un libraire bordelais hélas disparu. Arrivent l'année suivante en France AppleSeed chez Glénat et l'hilarant Dominion Tank Police chez Tonkam.
1993, c'est aussi l'année où je commence à faire de la radio en chroniquant des BD. Vous la voyez, l'influence ?
C'est en lisant le tome 2 d'« Appleseed » qu'arrive un déclic, notamment à la toute fin quand un des protagonistes porte le t-shirt d'un livre culte : le « Gödel Escher Bach » de Douglas Hofstadter. Et d'un coup, l'intrigue politique prend une toute autre saveur, et la science-fiction intelligente comme « La guerre éternelle » adaptée en BD par Marvano n'est plus une exception.
Arrive « Ghost In The Shell » en manga chez Glénat. À l'époque, je suis étudiant en biologie, et je lis l'album en attendant un prof en histoire des sciences. Lequel me dit « Ah ! il est enfin traduit ! Mais ? Mais ? Mais ils ont traduit les noms des articles des professeurs français ». À l'époque, Glénat imprime des mangas en retraduisant l'édition américaine de Studio Proteus. C'est pour ça que les premières éditions de Shirow en France manquent singulièrement de détails ou ont des petites inscriptions mal ré-écrites.
1997, je suis au festival d'Angoulême, et Dominique Vérêt après m'avoir présenté Taiyo Matsumoto me présente Christophe Ganz. Il m'accorde du temps en discutant avant et après la projection. Hélas, je n'ai aucun enregistrement sur ce qu'il me dit de la production de la VF de l'œuvre d'Oshii. Un premier doublage “honorable” par Manga Video, mais tristounet, il va avoir les moyens de le refaire avec un budget conséquent et des voix mythiques : Fermez les yeux, Batou joué par Schwarzy et Mokoto par Sigourney Weaver. Une VF qui a aussi participé à la renommée du film en France. Malgré son cast, l'adaptation cinéma ultérieure m'avait paru un poil fade. Quant à celui de Oshii, ben j'avais déjà vu son « Patlabor II, The movie », qui traite de thèmes équivalents, mais avec plus de profondeur à mon goût. C'est dingue.
Pour en revenir à cette avant première dans les Charentes, Ganz m'a raconté ses négos pour les droits des films hong-kongais (forcément), se fait interviewer par France2, et à la fin de la projo de presse a lieu un Q/R avec la salle.
Une femme au fond prend le micro et note des références sur les mythes gréco-latins genre Janus, Pallas-Athena, la naissance d'Aphrodite, bla bla bla, tous ces lieux communs. Ganz regarde le premier rang, fait un clin d'œil, et lu répond « Vous , vous êtes sûrement à Télérama ». La femme se lève, part, outrée. Télérama à l'époque descendait tout ce qui était dessin-animé japonais. Le temps a passé. Je ne serais pas surpris que dans l'hebdo, ils vont parler de cette expo à Tokyo.
Je vais finir par craquer et acheter le catalogue d'expo.
Chroniques persos de mon grenier :
https://dascritch.net/post/2009/07/30/Appleseed
https://dascritch.net/post/2006/12/12/622-ghost-in-the-shell-15-human-error-processor
J'aime beaucoup le style de Masamune Shirow ; j'avais lu Orion, AppleSeed et Black Magic quand c'était arrivé en France, à la fin des années 90.
A l'époque, j'avais eu du mal à tout saisir, j'étais un jeunot ! 25 ans plus tard, il faudrait que je m'y replonge, j'aurais sûrement un oeil neuf.
Je me souviens que j'étais allé voir le film de Oshii au cinéma et que j'avais vraiment bien aimé, mais pareil, je ne l'ai jamais revisionné depuis !
Allez, je rajoute ça sur mes trucs à revoir/relire, avec les OAV de Dominion !
Au passage, sauf erreur de ma part, je suis quasiment certain que dans ton article, l'artwork hommage du milieu fait référence à Orion, plutôt qu'à Dominion.