Ces jeux que l’on ne peut pas s’empêcher de relancer
Que ce soit l’appel du MMO, la complainte de la guilde ou du groupe d’ami(e)s, l'appât de la nostalgie, le chant de sirène du roguelite, ou le DLC bien tombé, le jeu vidéo se rejoue de nos faiblesses.
Il y a plusieurs façon d’aborder ce sujet, dans la célébration ou… la complainte ! La complainte du temps qui file entre nos doigts fébriles, tenant une manette qui ne cesse de nous tomber des mains, faute de temps justement. Comment, en effet, oser relancer un jeu déjà joué, déjà terminé, alors que tant d’autres se sont greffés à notre pile of shame, comme de nouveaux membres sur un boss FromSoftware à la difformité toujours plus prononcée ! Comment rejouer lorsqu’il y a déjà tant à jouer et si peu de temps à consacrer au plus chronophage de nos passes-temps ?
Mais il y a aussi lieu de célébrer. Célébrer la rejouabilité bien sûr, qui ne fait finalement que consacrer la spécificité du média jeu vidéo : le gameplay. C’est la qualité de ce dernier qui nous pousse à sans cesse relancer les mêmes jeux. Que ce soit pour repousser les limites de ce que l’on pensait pouvoir accomplir, et ainsi titiller un ego qui se nourrit de prouesses, ou simplement retrouver le confort d’un titre que l’on connaît par coeur, et dont le gameplay se mue en un cocon au sein duquel il fait bon (si bon !) se lover. Pour moi, Hadès est l’un de ces jeux cocons. Un “comfort game” (comme on parle de “comfort food”) que l’on relance par pur appétit de dopamine.
Une vidéo d’un combat (expédié) contre Theseus & Asterius, le duo de boss bloquant l’accès au dernier niveau du jeu Hadès, fruit de longues heures de pratique avec un temps in game plutôt correct :)
Hadès, mais aussi Dead Cells, Slay the Spire ou encore Enter the Gungeon, s’inscrivent dans le courant à fort potentiel de rejouabilité du roguelite1, et jouent sur un double registre : celui du plaisir bien sûr, mais aussi celui du défi. Finir un “run” (une partie) dans une difficulté réhaussée ou un temps réduit, sont des options souvent inhérentes à ce genre assujetti au plus lancinant des mantras de gamer : “allez, une petite dernière, juste une !”. Ces parties qui s’enchaînent pour se jouer de nous et nous faire douter de la réalité même du temps, s’articulent autour d’une boucle de gameplay forgée avec soin et peaufinée à l’extrême. Celle boucle devient alors refrain et possède la consistance d’un morceau de jazz.
Un roguelite lorsqu’il est réussi, détient la capacité de dilater le temps. Les parties se succèdent comme des morceaux de jazz improvisés en live, sans début ni fin, en un flow continu. La musicalité de ces jeux se grave dans nos esprits pour habiter jusqu’à nos rêves. Comment alors résister à leur appel, des mois, des années plus tard, lorsqu’ils s’éveillent en nous. Le souvenir de ces jeux possèdent l’irrésistible pouvoir d’attraction d’un chant de sirène… Un pouvoir encore renforcé par le fait que le roguelite réfute l’idée même de conclusion ! Ce sont, conceptuellement, des jeux sans fin.
Ces jeux qui refusent jusqu’à l’idée de conclusion s’appuient parfois sur d’autres mécaniques, comme la “collectionnite aiguë” par exemple (monstres, personnages, cartes ou équipements par exemple) ou simplement la familiarité d’un environnement où l’on a investi du temps. Ok, beaucoup de temps… Animal Crossing, Stardew Valley, Puzzle & Dragons, SimCity, Minecraft… autant de jeux qui se revisitent parfois plus qu’ils ne se rejouent.
Mais si le roguelite est sans fin, il est aussi très souvent… court. Dans le sens où les parties sont courtes et s’enchaînent donc facilement du fait même de leur brièveté ! Certains jeux forgent ainsi une partie de leur caractère addictif, et par extension de leur capacité à rester dans nos mémoires, sur leur… fugacité. Combien de fois vous êtes vous dit en jouant à Super Meat Boy par exemple, après une mort particulièrement humiliante : « celle-là ne compte pas, j’en refais une autre ».
Outre le platformer de Team Meat, les jeux de rythme (Thumper, Rhythm Heaven), de tir (Doom) ou les shoot’em up (Geometry Wars Retro Evolved 2), mais aussi de course ou de sport en général, regorgent de titres dont la fulgurance des parties ne fait que rallonger le temps qu’on leur consacre. C’est ce paradoxe qui les rend particulièrement mémorables et donc candidats à une “seconde vie”, des années après que l’on ait déposé les manettes.
D’autres encore, et ceux-là vous seul-e-s les connaissez, renferment en eux un véritable pouvoir d’invocation. Celui de conjurer des souvenirs d’enfance ou de moments de vie signifiants. Sur la surface de ces bulles de nostalgie se reflètent des images irradiant de la douce chaleur que seul le passage du temps peut entretenir. A moins qu’un streamer ne l’ait ravivé par le biais d’une vidéo rétrogaming !
Pour moi, Gradius (Nemesis sur MSX), Super Mario World ou Super Bomberman (93 sur SNES) sont autant de titres investis de ce pouvoir d’invocation. Les vôtres vous appartiennent.
Mais finalement, si l’on est honnête, ces jeux que l’on ne peut s’empêcher de relancer n’ont guère besoin de l’excuse du confort, de la familiarité, de la nostalgie ou de l'ensorcellement. Ils s’invitent parfois dans nos vies de la plus banale des façons. Un simple message suffit… Celui d’un ami qui veut reformer une alliance dans Final Fantasy XIV, World of Warcraft ou Dragon Quest X par exemple. Ou celui de l’ancien partenaire ou adversaire, sur un terrain de foot, un champ de bataille ou une terre à conquérir…
Repartir en quête de kills dans Call of Duty, de buts dans FIFA, de paniers dans NBA 2K, de KOs dans Street Fighter III: 3rd Strike, de points VR dans Mario Kart 8 Deluxe, du dernier équipement rare dans Destiny 2, de progression au sein des classements dans Splatoon 3, ou simplement d’XP dans la plupart des jeux en ligne reposant sur leur mode multi, tout est bon pour un dernier frisson.
Et puis il y a l’invitation envoyée non pas par un camarade de manette, mais par le développeur lui-même. Un petit carton estampillé de trois lettres : VIP ? Non ! DLC, ou contenu téléchargeable en français. Ce dernier peut être massif ou anecdotique, il n’en reste pas moins une excuse toute trouvée pour relancer un jeu. Rien qu’en 2023, les studios de développement nous ont fait bon nombre d’offres que l’on ne pouvait décemment pas refuser ! Et il y en avait pour tous les goûts : Cuphead: The Delicious Last Course, Xenoblade Chronicles 3: Future Redeemed, Cyberpunk 2077: Phantom Liberty, Dead Cells: Return to Castlevania, Mario Kart 8 Deluxe: Wave 4, 5 et 6, ou encore tout récemment God of War Ragnarök: Valhalla !
Ces “opportunités DLC”, qui viennent donner un second souffle à nos jeux favoris, ont vite fait de placer le joueur dans le rôle de la victime consentante. Seul notre temps en pâtira réellement. Ces contenus bonus sont la couche de chantilly ajoutée à la pièce montée. On y serait probablement retourné avec ou sans ! Les jeux que l’on ne peut s’empêcher de relancer possèdent de multiples visages, certains pixélisés, d’autres modélisés en 3D, mais tous possèdent ce petit plus, cette connexion qu’ils ont un jour créé avec nous, et qui les empêchent de réellement s’effacer au profit de nouvelles rencontres vidéoludiques. Ces jeux vidéo se rejouent de nos faiblesses, certes, pour en tirer un profit parfois, mais ce sont aussi des sources infinies de plaisir (coupable).
Bonnes fêtes de fin d’année à toutes et à tous !!
Pour creuser un peu le concept de rejouabilité (replay value), retrouvez la team Pixel Bento au grand complet, dans l’épisode #25 : La "durée de vie", un concept qui a la vie dure !, dont voici un petit extrait !
PS: La plupart des images illustrant cet article ont été capturées par mes soins. Mises à part celles de Elden Ring, Dead Cells et Geometry Wars: Retro Evolved 2.
Le roguelite est similaire à un roguelike, soit un jeu où les niveaux sont généralement générés aléatoirement, et où l’objectif est d’aller le plus loin possible. Lorsque l’on meurt, on repart de zéro, ou presque. Là où le roguelike est un jeu de rôle où l’on explore un donjon, un roguelite applique la formule aux genres les plus variés (plates-formes, shoot, etc.).
Pour ma part, le jeu que je relance régulièrement est Sonic, le tout premier sur master system ! Je le connais par cœur, mais je me donne régulièrement des challenges supplémentaires qui me permettent de voir le jeu sous un nouveau jour !
Je suis justement en train de me refaire Sonic 1, Sonic CD, Sonic 2 et Sonic 3 & Knuckles sur Switch... ^^
Sinon LE jeu que je finis toujours pas réinstaller, c'est Crimson Skies (le premier sur PC). Quelle merveille. J'aimerais tellement un nouvel épisode...