Allez, je saute dans ma DeLorean et retourne jouer en 1990 !
Ce mois-ci, encore plus que les autres, le jeu vidéo se conjugue au passé ! Avec par exemple la sortie de Lords of Exile, qui nous catapulte à la fin des années 80, une manette NES entre les mains !
2024 est bien parti pour être une nouvelle année dominée par les remakes et les remasters.
Ce sera d’ailleurs le sujet principal (le Matsu !), du prochain podcast Pixel Bento #42. Rien qu’en Février, nous avons : Persona 3 Reload, Mario Vs. Donkey, Tomb Raider 1-3 Remastered starring Lara Croft, Brothers: A Tale of Two Sons Remake et bien sûr Final Fantasy VII Rebirth !
Mais si les gros éditeurs raclent leur fond de catalogue pour monétiser notre nostalgie, celle-ci peut également être un puissant moteur créatif. Une notion que j’ai d’ailleurs exploré dans un article consacré à l’excellent Sea of Stars, un vibrant hommage au J-RPG des années 90 !
Lords of Exile, qui est sorti sur toutes les plates-formes mi-février, est un autre exemple d’un jeu boosté à la nostalgie. Il nous propose une expérience à mi-chemin entre Castlevania et Ninja Gaiden, c’est à dire un titre reprenant la formule plates-formes / action qui a fait les beaux jours de la NES sortie en France en 1986.
Lords of Exile est un jeu développé par SquidBit Works, un studio qui abrite un développeur seul : Carlos Azuaga. Ce dernier se présente sur son compte X-Twitter comme un “développeur ninja de jeu rétro avec plus de 17 ans d’expérience en tant qu’artiste du pixel”.
Avec les casquettes de programmeur / graphiste / scénariste, le jeu est définitivement le sien, même s’il a été épaulé par une poignée de personnes pour le level design et les graphismes.
Les musiques sont signées par des spécialistes du jeu rétro, comme Pentadrangle (alias Enrique Martin, compositeur de Cyber Shadow), Dominic Ninmark (Gravity Circuit), et même l’immense Yuzo Koshiro, bien connu pour ses musiques sur la série Streets of Rage par exemple, et qui a également prêté sa voix aux personnages du jeu !
Débuté en 2018 comme une “expérimentation visant à satisfaire sa curiosité quant au potentiel des shaders et capacités de ‘perfect pixel rendering’ du moteur de jeu Godot” (finalement abandonné au profit de Game Maker Studio 2), le projet a vite gagné en traction pour finalement récolter en 2020 plus de 30,000 euros (pour 12,000 demandés) via Kickstarter.
Car Lords of Exile, comme beaucoup d’autres jeux rétro, doit son existence à une campagne de financement participatif réussie.
Dès les premières minutes de jeu il apparaît évident que Lords of Exile carbure à la nostalgie. Il rend un hommage appuyé à des classiques du jeu de plates-formes / action tels que Castlevania, Ninja Gaiden ou Kage: Shadow of the Ninja, et reprend de nombreux codes du genre et de l’époque (fin 80/début 90).
Au-delà de l’évidence - son esthétique 8-bit, ses musiques chip tune, ses ninjas - le jeu réutilise aussi les niveaux linéaires ainsi que le système d’armes secondaires aux munitions limitées que l’on peut récupérer et échanger dans les niveaux. Il reprend même certaines bizarreries typiques du gameplay propre à ce type de jeu.
L’effet “knockback” par exemple ! Autrement dit : le fait d’être projeté en arrière au moindre choc, ce qui a généralement pour conséquence de nous faire plonger dans le premier trou venu !
En jouant à Lords of Exile, on retrouve ainsi les sensations de jeu de l’époque mais aussi le sentiment d’agacement mêlé d’exaspération qui parcourait nos jeunes visages illuminés par l’écran ! Mais le jeu de Carlos se sert de ces gimmicks essentiellement pour adresser un clin d’oeil aux développeurs japonais des années 80/90.
Car contrairement aux nombreux hommages rétro créés par la scène indie, son jeu est du genre magnanime.
Mis à part un léger sursaut de difficulté pour le boss final (et encore), Lords of Exile n’est pas passé par l’école Dark Souls et s’avère accessible. Le jeu est même très généreux avec les bonus puisque l’on débloquera au minimum une nouvelle habilité à la fin de chaque niveau. Comme le double saut, une barrière de protection provisoire et ainsi de suite. Arrivé au huitième et dernier niveau du jeu, on est assez balèze !
Le jeu est également généreux en termes de checkpoints et ne propose ni vies, ni continues ! La seule chose qui nécessite de recommencer un niveau du début est de quitter la partie, les checkpoints n’étant pas sauvegardés. Mais là où le jeu se distingue réellement en termes d’accessibilité, c’est dans ses contrôles.
Gabriel, le personnage principal, est moins… rigide que ses alter ego des années 80/90 !
En fait, il se dirige avec une souplesse plus typique des consoles 16-bit, comme la Super Nintendo ou la Megadrive. Il peut ainsi exécuter une glissade au sol, une attaque en piquée, s’accrocher à des grilles ou des lianes pour grimper le long des murs, et finit assez vite par débloquer un double saut (qui pour le coup s’avère un poil rigide).
Gabriel s’adjoint aussi rapidement le soutien de deux esprits (appelées “ombres”) qui viendront encore renforcer ses pouvoirs en lui permettant d'utiliser un grappin (quelque peu sous-exploité) et de tirer à distance (très utile !). Un panel de mouvements qui aurait surpris par sa richesse si le jeu était sorti en 1990 !
Car Lords of Exile, comme la plupart des jeux issus de la scène rétro, triche.
Le jeu triche dans le sens où il ne pourrait pas tourner sur NES. Il se pare des atours 8-bit mais tout n’est qu'artifices ! Musiques 16-bit ; scrolling parallaxe ; sprites plus gros et nombreux à l’écran ; absence de ralentissements ; contrôles plus précis pour un panel de mouvements plus large… Lords of Exile cache sous ses apparences 8-bit un véritable arsenal 16-bit !
Lords of Exile est définitivement l’exemple type du jeu indépendant porté par un développeur solo.
Une oeuvre personnelle donc, qui pullule de clins d’oeil et de références, à d’autres jeux bien sûr, comme Blasphemous (également développé par un studio espagnol), mais aussi à des oeuvres emblématiques de la pop culture made in Japan comme Evangelion par exemple.
Le jeu est court mais se rejoue (très) facilement, d’autant plus qu’en sus de modes Boss Rush et Speedrun, on débloque en fin de jeu un nouveau personnage : Lyria. Beaucoup plus rapide et agile que Gabriel, elle est aussi spécialisée dans les attaques à distance. Un perso qui offre un feeling de jeu très différent !
Lords of Exile n’est pas un jeu parfait. Il innove peu, sous-exploite sa meilleure idée (les ombres), et lorsqu’il tente de surprendre, comme avec ce bandit-manchot qui permet de jouer de l’argent pour gagner des bonus, ça tombe souvent à plat… J’ai également rencontré quelques bugs, le plus agaçant étant de voir ma seconde sauvegarde avec Lyria, une fois rechargée, m’empêcher de poursuivre ma partie avec elle pour me forcer à rejouer avec Gabriel !1
Le jeu coûte 15 euros et se termine en quelques heures, à l’image des jeux de l’époque, donc pas de surprise ici. Perso, Lords of Exile est un jeu que j’aurais kickstarté si je n’étais pas passé à côté de sa campagne de financement. Et c’est exactement le type de projet qui me parle en ce moment.
Je suis en effet tombé sur le trailer du jeu au moment où je relançais sur la chaîne NES de ma Switch quelques classiques du genre, comme KAGE: Shadow of the Ninja.
De temps en temps l’envie me prend de me faire un “classique” ou un nouveau jeu qui se prend pour un vieux. J’adore la pureté et la simplicité de ces jeux linéaires auxquels Lords of Exile rend un hommage sincère.
C’est un peu comme si Carlos s’était emparé de nos souvenirs pour en faire son jeu. Mais si la nostalgie joue forcément dans ma perception de Lords of Exile, je reste persuadé que ce jeu - et ceux qui l’ont inspirés ! - est à même de séduire les joueuses et les joueurs qui n’ont pas grandi avec les consoles 8 ou 16-bit.
Lords of Exile, aussi marqué soit-il par l’époque qu’il reproduit, reste une proposition ludique intemporelle.
Comme une bonne série B des années 80, à la Predator, Conan le barbare ou Commando ! Ces films “pop-corn” d’une redoutable efficacité et d’une sincérité absolue étant une inspiration majeure de ces jeux, dont la moitié des héros sont des Schwarzenegger ou des Stallone pixelisés :)
PS : Si vous aimez ce type de jeu, je peux vous en conseiller deux autres tout de suite : Bloodstained : Curse of the Moon 2 (Inti Creates - 2020) et Bat Boy (Sonzai Games - 2023) !
PS: Toutes les captures de cet article ont été réalisées par mes soins à partir d’une version Switch du jeu fournie par l’éditeur (merci à Plug In Digital, au studio de développement Squidbit Works, ainsi qu’aux éditeurs du jeu PixelHeart et PID Games). Les images des deux titres ci-dessus ont aussi capturées par moi à partir des versions kickstartées !
En attendant un patch éventuel, je vous conseille donc de quitter la partie commencée avec Lyria aussitôt celle-ci entamée pour vérifier si votre sauvegarde porte bien son nom !
Ce petit sondage ravive en moi de sacrés souvenirs absolument inoubliables. J'ai 6 ans et mon grand frère débarque avec la master system 1 et Sonic... comme si c'était hier...
Merci pour cet article passionnant . Saurais tu pourquoi Godot a été délaissé ? Merci !