Absolum-ent fantastique !
Un beat’em all à l’ancienne, façon Golden Axe, donne un magistral coup de poing dans un genre vieux comme le jeu vidéo.

Le beat’em all (aussi appelé beat’em up ou “brawler”) est un genre qui s’est toujours démarqué par une simplicité confinant à la bêtise : on avance et on tape sur tout ce qui bouge !
Nos déplacements se font généralement dans des couloirs où l’on peut évoluer “en profondeur”, histoire d’esquiver une mandale ou d’en coller une. Les obstacles qui se dressent devant nous prennent les formes les plus variées : gangs de voyous au look bigarré échappés d’un film ou d’un clip des années 80, façon The Warriors ou Bad ; squelettes et magiciens bien décidés à ne plus croiser le chemin de Schwarzenegger sur grand écran ; aliens en goguette ; lorsqu’il ne s’agit pas d’une voiture flambant neuve malencontreusement garée sur notre chemin !
Le beat’em all est aussi un genre atteint d’une maladie que l’on a longtemps cru incurable : la répétitivité.



Né dans les salles d’arcade, le beat’em all a toujours privilégié la forme au fond. Sprites gigantesques ; multitude d’ennemis à l’écran ; décors soignés dans les ambiances les plus variées ; spectaculaires attaques spéciales ; etc. En revanche, côté gameplay, mis à part la cerise multijoueur (il est généralement possible de jouer au moins à deux), on doit se contenter d’une palette de coups famélique, souvent limitée à deux boutons.
On ne va pas faire ici l’historique du genre ou passer en revue ses innombrables jalons, ce sera le sujet (le Matsu !) d’un futur podcast ☺️
On peut néanmoins préciser que la sortie d’Absolum s’inscrit dans le cadre plus large d’une véritable résurrection du genre, orchestrée (invoquée !) par des équipes ayant clairement grandi dans l’amour du beat’em all. On peut rapidement citer Castle Crashers (2008) bien sûr, mais aussi Scott Pilgrim vs. the World: The Game (2010), Dragon’s Crown (2013), ou plus récemment les excellents Streets of Rage 4 (2020) et Teenage Mutant Ninja Turtles: Shredder’s Revenge (2022).
Tous ces titres ont secoué le genre pour le dépoussiérer à leur façon. Que ce soit en misant sur une progression des personnages empruntée au jeu de rôle (level up !), une direction artistique unique, ou un système de combat nettement plus profond hérité d’un genre descendant du beat’em all : le jeu de baston à la Street Fighter 2.
Absolum, lui, a choisi une approche différente : il a pris le même chemin que Zagreus dans Hades, celui du roguelite1. Et le résultat est non seulement époustouflant, mais il s’impose en plus comme une évidence absolue ! Le beat’em all est un genre FAIT pour les “runs” (les parties courtes) inhérents aux jeux à la Hades, The Binding of Isaac, Vampire Survivors, Dead Cells et autres Star of Providence.

Absolum n’en fait pas moins partie de ces jeux pour lesquels il est difficile de ne pas craquer au premier regard.
Avec son esthétique comics doublée d’une approche cartoon des couleurs, du posing et des effets d’impact, le jeu parvient à imposer une identité visuelle aussi forte que séduisante dans un genre vu et revu : le médiéval fantastique à la Seigneur des Anneaux.
Décors de fond incroyablement élaborés et mis en lumière... Character design n’hésitant pas à jouer la carte du décalage avec des animations et des expressions pleines d’humour (les combats se déroulant sur une bande originale absolument épique de Gareth Coker, connu pour avoir mis en musique la série Ori) ; et ce autant pour ses quatre héros jouables que ses innombrables boss et ennemis !
Le look “BD” de l’ensemble est encore renforcé par la présence de bulles de dialogues et l’injection dans nos parties de petits moments narratifs où des personnages clés peuvent apparaître pour nous aider, lorsque ce ne sont pas des ennemis surpris en train de comploter.

Mais Absolum ne se contente pas de nous en mettre plein les yeux, il s’approprie aussi les mécaniques du roguelite pour faire de la “maladie” du beat’em all - la répétitivité - un super pouvoir.
Disons le tout net, le studio Guard Crush, en charge de la portion gameplay aux côtés de Dotemu (Supamonks s’occupant de la partie visuelle) s’est énormément inspiré du jeu Hades…. Mais Guard Crush est aussi un spécialiste du beat’em all, puisqu’on leur doit Streets of Rage 4, co-développé avec Lizardcube pour Dotemu (déjà) et Sega.
Du coup les personnages répondent extrêmement bien ! Les coups pleuvent avec précision, et le jeu impose naturellement son tempo élevé pour régler à l’écran un ballet de mouvements oscillant sans cesse entre l’attaque et la défense.
Pourtant, lorsque l’on commence à jouer à Absolum, on comprend vite que le studio a décidé de simplifier le gameplay pour revenir au beat’em all minimaliste des années 90, à la Golden Axe ou la Final Fight. Le jeu propose ainsi deux coups (fort et faible) et trois types “d’esquives”, en plus de la possibilité de courir, choper et sauter.

Mais en ajoutant sur le parcours du joueur des “compétences” et des “objets” à choisir parmi une sélection aléatoire, on étoffe petit à petit son panel de coups. Et en plus de ces coups supplémentaires, on peut surtout greffer des effets à ses mouvements de base (liés à des éléments comme le feu, l’eau, le vent, la nécromancie, etc.).
Chaque partie est donc non seulement unique, puisqu’elle varie en fonction de nos choix, mais elle se complexifie aussi au fil du run. Le personnage avec lequel on démarre l’aventure n’a pas grand chose à voir avec celui que l’on joue quelques dizaines de minutes plus tard (une partie complète, jusqu’au boss final, prenant environ une heure). Ces choix permettent d’atténuer le côté répétitif des combats, tout en nous donnant l’opportunité de façonner notre héros comme on le ferait dans un jeu de rôle, mais de manière express.

Un roguelite c’est un peu du “fast-RPG” en fait ! Une partie ne dure jamais très longtemps (que l’on meurt rapidement ou que l’on aille “au bout”), et on ne cesse d’améliorer les compétences de son personnage.
Chaque partie, ou “run”, est donc une boucle fermée, que l’on répète et au sein de laquelle on improvise sans cesse, à force de choix. Des choix liés aux pouvoirs de nos héros, mais aussi aux chemins empruntés, qui nous mèneront à traverser des biomes différents et à rencontrer des ennemis et des boss distincts. On peut aussi décider d’embaucher des mercenaires ; d’accepter une quête (surtout durant les 10 premières heures du jeu) ; de créer un accessoire plutôt que de récupérer de la vie ; de volontairement épicer la difficulté du jeu ; ou de faire les poches d’un ivrogne par exemple !

Sous ses oripeaux de beat’em all à la papa, Absolum dissimule un corps affuté. Du roguelite, il hérite de la rejouabilité, de la liberté de choix, de l’effet de surprise (façon “gachapon”) et de la profondeur, sans rien perdre de l’immédiateté ou de la nécessaire brièveté d’un genre taillé pour les salles d’arcade. Des parties courtes pour une durée de vie énorme !
Et comme Hades, Absolum nous fait oublier nos parties de 15mn - celles où l’on n’arrive à rien pour finir piétiner par un misérable champignon 😅 - en s’assurant que l’on ne revienne jamais bredouille. On collecte systématiquement des ressources qui nous permettent de gagner un avantage lors de nos prochaines tentatives. Comme obtenir quelques vies supplémentaires ; étendre notre barre de vie ; augmenter nos dégâts ; améliorer nos chances de tomber sur des pouvoirs et des accessoires plus rares…
Ce supplément roguelite nous permet aussi de débloquer un plaisir rare : le “run” parfait. Celui où nos choix nous conduisent à façonner un héros d’une puissance insoupçonnée, où pouvoirs et équipements entrent en résonance pour faire chanter le gameplay… Ces parties où l’on est inarrêtable !
Même après avoir battu le boss final, on peut continuer à jouer.
Pour le plaisir bien sûr, mais aussi pour en percer tous les secrets et apprendre à maîtriser ses quatre personnages, à la jouabilité très différente. Absolum n’a certes ni la brillance du scénario, ni l’évidence d’un Hades (la description des pouvoirs manque de clarté à mon goût). Mais il s’impose néanmoins comme un titre indispensable pour celles et ceux qui ont aimé Golden Axe ou l’un de ses petits frères. Et si vous avez besoin d’un défouloir, si vous réprimez une impérieuse envie de distribuer des baffes façon Astérix et Obélix (+ Panoramix pour la partie tactico-roguelite !), alors foncez !
Et vous ? Quel est votre beat’em all de coeur ? N’hésitez pas à partager vos titres favoris du genre dans les commentaires !
PS: Toutes les captures d’écran d’Absolum illustrant cet article ont été réalisées par mes soins à partir d’une version PS5 fournie par l’éditeur Dotemu. Je me suis aussi occupé de capturer les images de River City Ransom (chaîne NES accessible dans l’abonnement Switch Online), ainsi que celles de Final Fight et The King of Dragons (à partir d’une version commerciale de la compilation : Capcom Beat ’Em Up Bundle). Enfin, l’image de Streets of Rage 4 provient du site Lizardcube.
Le roguelite est un dérivé du roguelike, soit un jeu à la rejouabilité infinie, où les niveaux sont souvent générés aléatoirement. L’objectif ? Aller le plus loin possible ! Et lorsque l’on meurt (ce qui arrivera à coup sûr), on repart de zéro (ou presque). Si le rogue-”like” est associé au jeu de rôle et à l’exploration de donjons, le rogue-"“lite” applique la formule aux genres les plus variés (plates-formes, shoot’em up, beat’em all, etc.). Pour une analyse plus complète et pointue de ce sous-genre, je vous invite à écouter les explications de Moguri qui avaient suivi la critique d’Absolum dans l’Hebdo de l’indispensable chaîne Origami (à 1:13:20, le lien est en dans la description de la vidéo YouTube).




Mon beat-them-up préféré, bonne question... Je ne suis pas vraiment un aficionado du genre, mais Double Dragon m'a marqué sur ma Master System, probablement parce que c'était le premier pour moi mais aussi le premier du genre, c'était assez nouveau en 1988 ! Sinon le premier choc, c'était évidemment TMNT 4 sur Super Famicom.
Alors nous à la maison c’est simple, si y’en a un qui tourne en permanence pendant les soirées entre amis c’est bien CADILLAC & DINOSAURS de Capcom. Les grands comme les petits enquillent les pièces dans le monnayeur de ma borne comme jamais.
Bien souvent je retrouve ma gamine avec son cendrier rempli de jeton en train de finir le jeu pendant qu’on range avec madame après la fête… et si j’arrive à m’éclipser rapide, je mets aussi ma petite pièce pour venir en renfort.
Je vais voir pour installer le jeu que tu nous a présenté avec delectation sur ma borne