Alors bien entendu ce n’est en rien une résolution.
Il s’avère simplement que pour mes retours en France, souvent estivaux et toujours en famille, le temps habituellement consacré au jeu vidéo se fait grignoter par tous les bouts.
Pour commencer, mes parents vivent pour ainsi dire “à la campagne”, ce qui pour un ex-Parisien et actuel Tokyoïte comme moi - autrement dit pour un citadin pur jus - englobe à peu près tout ce qui ne ressemble pas à une ville de plus de 300,000 habitants. 😅
Cela signifie entre autres qu’ils possèdent un jardin, où ils font pousser des trucs. Et ces trucs demandent du temps et une bonne dose d’effort, de patience et d’anticipation dignes d’un… bah d’un jeu vidéo !
Qui dit campagne, dit également forêt. Et là aussi, cette proximité est une irrésistible invitation à la promenade, voire à la randonnée pour les plus motivé(e)s. Arpenter les sentiers de la forêt de Fontainebleau constitue pour moi un véritable retour en enfance, tant ces derniers ont été foulés par mes petites jambes, aux côtés desquelles se sont vite jointes celles de mon frère et mes soeurs.
Cette forêt agit sur moi comme un aimant et m’éloigne des sentiers pixelisés qui auraient pu avaler mes pas virtuels.
Retour en France signifie aussi ouverture des livres et magazines commandés sur Internet, la plupart du temps sur des sites de financement participatif tels que Ulule ou Kiss Kiss Bank Bank.
Le plaisir, ainsi, de lire le fanzine autobiographique Corps Mecha de la journaliste tech & culture Lucie Ronfaut-Hazard (autrice de la newsletter #Règle30), commandé peu de temps auparavant et déjà épuisé. Un ouvrage que l’on dévore bien trop vite, où elle associe à des moments de vie, souvent commune, deux séries animées (Gurren Lagann et Evangelion) et un film de l’immense Guillermo del Toro (Pacific Rim) bardés de mecha on ne peut plus différents.
Il est fascinant de voir à quel point les oeuvres culturelles et leur perception peuvent jalonner nos vies pour finalement parvenir à former des cairns étonnement signifiants. Comme si ces pierres que l’on empile s’évertuaient à reproduire la silhouette de notre moi intérieur. Formidablement écrit, ce fanzine nous fait espérer, un jour peut-être, un roman autobiographique.
Un roman que je pourrais lire en France, le temps d’un été.
Car cette trêve estivale est devenue pour moi un rendez-vous littéraire. Le livre est en effet bien plus chronophage qu’un jeu vidéo. Il peut ronger mes journées (et mes nuits) avec la hargne d’un petit mammifère omnivore, et s’adapte donc plus aisément à un planning infusé d’une certaine oisiveté.
Parce qu’il n’est pas question ici “d’une petite partie en plus” mais bien de se laisser happer par un récit dont on sait que la conclusion est à portée de doigt… juste quelques pages de plus à tourner. Là où un jeu vidéo obtient de nous un consentement tacite sur sa finition morcelée, le livre, lui, s’impose souvent à moi comme un objet à ne reposer qu’une fois consommé.
J’ai ainsi ramené avec moi un livre offert l’été dernier : Le Diable dans la ville blanche de Erik Larson. Un polar historique diablement efficace et non dénué d’originalité où l’on suit deux destins à l’opposé l’un de l’autre : celui d’un architecte de génie, et celui du tueur en série qui va faire de sa ville éphémère son terrain de chasse. Deux personnages réels à l’aube du 19ème siècle, au moment où Chicago, et par extension les Etats-Unis, tente d’accueillir la seconde Exposition Universelle et faire oublier celle de Paris. D’un côté un homme qui tente de donner vie à une vision artistique colossale face à des défis logistiques et politiques à priori insurmontables, de l’autre un assassin d’un genre encore inconnu du Nouveau Monde.
Dans un style on ne peut plus éloigné, j’ai enchaîné avec L’Appel des odeurs de Ryoko Sekiguchi. Un roman écrit en français par une autrice et traductrice japonaise où les odeurs les plus diverses prennent vie pour s’incarner à travers les mots et un indéniable sens de la poésie. Curieux d’en lire davantage…
Mais la France c’est aussi le plaisir de parcourir les allées d’une librairie pour laisser son regard virevolter d’étagère en étagère, comme un papillon de nuit attiré par la lumière d’une bougie. Ce plaisir ne peut, pour moi, être reproduit au Japon, pas pour le moment en tout cas… Mon niveau de japonais fait de ce papillon un être à la fois aveugle, ébloui et illettré. La librairie japonaise reste un territoire à conquérir. La française est ce qu’elle a toujours été : une île tropicale.
Le livre étant une brute sans égard pour mon temps, sa petite soeur la bande dessinée, moins rabelaisienne, possède ici les atours d’une douce sirène.
Et les newsletters découvertes depuis le lancement de la mienne, telles que L’Aigrie Culture de Cronos ou Pop Culture & Comics de Chris sont justement quelques-unes des bougies mentionnées un peu plus haut. Celles, irrésistibles, qui attirent le papillon que je deviens une fois franchit le seuil d’une librairie.
C’est ainsi que j’ai pu découvrir, acquérir et dévorer l’incroyable comic book : Saison de Sang aux éditions Dupuis, écrit (sans textes !) par Simon Spurrier et dessiné par l’incroyable Matias Bergara qui m’avait ébloui avec la série CODA. Une explosion de couleurs dans un monde dont l’inventivité et la richesse visuelles rappellent celles de Moebius…
J’ai également (enfin !) pu mettre la main sur Do a Powerbomb! de Daniel Warren Johnson, un autre comic book, mélange absolument détonnant de catch japonais, de drame familial et de… nécromancie ! Une histoire dont l’ahurissante charge cinétique permet de créer des moments de suspension où l’on ne peut s’empêcher de retenir sa respiration. Certaines cases cadrent ses protagonistes plus grands que nature pour figer dans l’espace des mouvements échappant aux lois de la gravité. Vertigineux. Merci à Chris, mais aussi à Marc pour m’avoir aiguillé vers cette (power)bombe dans le dernier podcast Pixel Bento !
Et puis il y a les ouvrages dessinés par des amis, comme le sublime Tome 1 de la série pour petits et grands enfants Au Chant des Grenouilles écrite par Barbara Canepa et dessinée par Florent Sacré, ancien directeur artistique d’Ubisoft Montpellier. Une BD dans sa version tout en couleurs (j’avais déjà reçu sa version collector sépia à Tokyo) qui suit les aventures d’un adorable groupe de gamins on ne peut plus hétéroclite, puisque composé de deux lapins, un renard, une chouette, une chauve-souris et une araignée ! Les aventures d’une bande de copains / copines, aux personnalités tout aussi bigarrées (et délicieusement brossées par la plume de l’autrice), qui explore une forêt à laquelle les traits de Florent confère une indéniable profondeur, pleine de magie et de secrets insoupçonnés.
Et puis la France, c’est aussi le retour aux plaisirs simples du jeu de société à partager dans sa forme la plus élémentaire. Comme une partie de Yam’s (Yahtzee) où les jets de dés sont autant d’ardentes incantations à la déesse de la chance !
Mais dire que cet été sera absolument SANS jeu vidéo est un peu exagéré.
Et soyons honnête, un rien irréaliste me connaissant…
Mon calendrier me rappelle ainsi la sortie imminente (aujourd’hui en fait !) du Castaway de Johan Vinet ! Ce développeur de jeu indie québécois nous avait déjà régalé avec Lunark, son hommage à Flashback et Prince of Percia sorti en 2023. Un projet à l’issu duquel il avait gentiment accepté de répondre à nos questions dans un hors-série du podcast Pixel Bento ! Cette fois-ci, Castaway est présenté comme un “tout petit jeu” inspiré de The Legend of Zelda. Petit prix aussi (8 euros) et gros pixels à l’ancienne, pour une courte durée de vie se prêtant idéalement à mon emploi du temps estival chargé !
La seule ombre au tableau de cet été en France est jetée par la plus menue des créatures…
Qui vient d’ailleurs me rappeler que l’adaptation du jeu de plates-formes Bzzzt sur Switch, évoquée dans notre estival podcast spécial BitSummit, ne devrait plus tarder non plus !
Oui, un été “à la campagne” signifie aussi que l’on s’engage dans une lutte sans merci face aux moustiques. Assailli, malmené, je ne survis qu’à l’aide de réflexes surhumains acquis grâce à la pratique du jeu vidéo, qui finalement est tout de même parvenu à s’inviter de multiples façons, tel un rayon de soleil se frayant un chemin entre les interstices d’un parasol.
Bonne fin d’été à toutes et à tous !
Et n’hésitez pas à partager vos habitudes ou découvertes culturelles estivales dans les commentaires 😀
PS : Toutes les photos illustrant cet article ont été prises par mes soins. L’image du jeu Castaway est quant à elle issue de sa page Steam officielle.
Bonjour Thierry, comme d'habitude c'est un plaisir de te lire... Et je suis d'accord avec toi il faut être à un moment où un autre au contact de la nature.. c'est un besoin pour le corps et l'esprit,nous qui habitons dans le béton des grandes villes.. je profite de mon coté des montagnes qui sont à 35 minutes de la ville où je vie... Et je profite comme toi des choses simples de la vie.. (parce que les choses les plus simples sont celles où nous sommes les plus heureux).
La lecture, les balades, les parties de jeux de société, le farniente (comme on dit chez moi) et surtout se perdre dans l'ennuie (c'est important pour le cerveau).
De mon coté je suis en train de finir PiINO de Murakami, une œuvre magistrale, comme souvent.
J'ai commencé #DRCL de Shin-Ichi Sakamoto (une revisite de Dracula).
Et enfin ma énieme relecture du meilleurs manga de tout les temps (pour moi) Crying Freeman dans son édition perfect...
Belle fin de vacances dans notre belle France...
Bises
Bonne pause estivale mister ! 😀
Petit j’adorais lire des mags de JV. Team C+ et de temps en temps Joypqad. Et en grandissant, ce fut Edge. Mais depuis avec les gamins, trouver un temps de calme ou pour soit c’est devenu le vrai jeu de l’été. Un putain de RPG quasi inaccessible 🤣😭