Tu parles beaucoup pour un lapin…
La toute nouvelle série animée Devil May Cry est là, et elle divise ! Souvent pour les mauvaises raisons d’ailleurs… (spoil minimal)

Netflix est devenu en quelques années le plus gros pourvoyeur en séries animées adaptées de jeux vidéo. Cyberpunk Edgerunners, Arcane, Castlevania, Captain Laserhawk: A Blood Dragon Remix, Tomb Raider, Onimusha, The Cuphead Show!... Je pourrais continuer ainsi longtemps, surtout en ajoutant les (nombreuses) adaptations à venir.
Animation et jeu vidéo ont toujours fait relativement bon ménage, les deux médias partageant une liberté dans la représentation de l’action et du mouvement que Hollywood a toujours jalousé.
Le trailer de lancement du cinquième et dernier volet de la série de jeux vidéo Devil May Cry. Dante, héros originel de la saga et de la série animée Netflix, fait une pétaradante apparition à la fin de la bande-annonce.
Chad Stahelski, le réalisateur de la tétralogie John Wick, a ainsi récemment avoué qu’il enviait les animateurs dans une interview donnée au site Polygon, au point de travailler en ce moment sur une adaptation animée de sa franchise à succès et d’avoir collaboré sur la chorégraphie des séquences d’action de Lazarus, la dernière série animée de Shinichirō Watanabe (Cowboy Bebop).
“(...) Les animateurs peuvent créer le coup de poing parfait. Ils peuvent créer le coup de pied parfait. Ils peuvent bouger la caméra où ils veulent. Ils peuvent montrer les os qui se brisent et les dents qui volent en un seul plan. (...) Ils peuvent jouer dans une toute autre dimension que la nôtre.”
Mais cette relative proximité entre l’anim’ et le jeu vidéo ne peut faire illusion longtemps. Le jeu vidéo possède un langage unique, inimitable, et une fois la manette en mains, le cordon ombilical qui le relit à nous créé une intimité qu’il est impossible de reproduire.
Adapter un jeu vidéo est d’abord affaire de sacrifice et il faut accepter que les animatrices et les animateurs cherchent à traduire plus qu’à reproduire. Prendre des libertés avec le matériau d’origine est donc moins une option qu’une nécessité.
Et c’est un peu l’approche qu’a toujours privilégié le showrunner de Devil May Cry : Adi Shankar, qui a déjà officié sur les séries Castlevania1 et Captain Laserhawk.
Dans une intéressante interview donnée à Forbes et au journaliste Ollie Barder, Adi est on ne peut plus transparent sur le sujet.
“Ce que je construis ici, c’est un nouvel univers animé Devil May Cry sur Netflix, au coeur duquel est distillé l’énergie brute de l’ensemble de la franchise. C’est une réinterprétation qui met en scène les plus jeunes versions de Dante et Lady jamais vues sur un écran, avant que leurs légendes n’aient été calcifiées.”

Le diable s’habille en Sparda ! 😬
Le premier des huit épisodes de la série débute avec un cambriolage au coeur du Vatican. Une équipe de mercenaires armés jusqu’aux dents se fraye un sanglant chemin jusqu’à une salle remplie de trésors lorsque débarque… un lapin.
Un lapin humanoïde, sur ses deux jambes, habillé comme un aristocrate, terriblement bavard, le regard fou et le sourire carnassier, qui s’empare immédiatement d’une épée ayant appartenu au démon Sparda. Le massacre qui s’ensuit ne laissera aucun survivant parmi les mercenaires, et le lapin gouailleur fera tout exploser avant de disparaître avec l’épée.

Le méchant est posé d’emblée, tout comme le ton de la série : outrancier, théâtral, et définitivement pour adulte.
Les séries animées adaptées de jeux vidéo co-produites par Netflix ont souvent pour point commun de viser un public mature, et affichent le même penchant pour l’hémoglobine qu’un jeune Peter Jackson !
La plateforme de streaming a très vite saisi qu’un large public adulte existait pour l’animation, ce que les chaînes TV traditionnelles ont toujours eu du mal à concevoir (rappelons-nous de la manière dont France Télévisions avait traité l’incroyable série animée française Lastman en 2016 !).
Devil May Cry est donc un festival de combats plus gore les uns que les autres, où les têtes et membres coupés fusent à la même vitesse que les vannes de ses héros.
Dante est un jeune chasseur de démons (à louer), un “adulescent” pur jus, d’une nonchalance faisant bien plus que friser l’insolence. Autrement dit, c’est une vraie tête à claque ! Un personnage qui renvoie au trope du héros surdoué se comportant comme un gamin capricieux, que l’on retrouve dans d’innombrables manga comme Lupin III, Cobra ou Nicky Larson par exemple. Dante est donc un personnage sans surprise, mais parfaitement joué et incarné, dont de nombreuses répliques font mouche.

Il sera très vite confronté à deux “ennemis” représentant deux camps opposés : le lapin, agent de l’Enfer ; et Lady, le bras armé d’une organisation gouvernementale secrète appelée DARKCOM, chargée de protéger la terre des attaques de démons.
L’un des reproches que j’ai pu lire à droite et à gauche tient à la place tenue par Lady, un personnage féminin ultra badass, qui parvient à voler la vedette à Dante à plus d’une reprise. Et comme c’est malheureusement souvent le cas lorsqu’un jeu vidéo (ou un film, une série, etc.) propose de jouer ou se contente simplement de mettre en scène une femme forte, un certain nombre de “joueurs” / spectateurs se sentent étrangement menacés…
On ne va pas épiloguer ici sur ces tristes imbéciles pour simplement préciser que Lady - apparue dans Devil May Cry 3, jouable dans DMC 4 - est un personnage clé, qui reprend lui aussi un trope ultra classique, celui de l’héroïne antagoniste / intérêt amoureux du héros… Je pense à Catwoman par exemple, Mina Ashiro dans Kaiju No. 8, ou encore Nobara Kugisaki dans Jujutsu Kaisen pour prendre des exemples récents. Aussi classique soit-il, le personnage de Lady, qui bouge à l’écran comme si elle avait revêtu l’armure à réaction sur-développée (ARS) du jeu Vanquish, fonctionne super bien, tout comme son duo avec Dante.

Le second point sur lequel la série a pu être critiquée est la manière inhabituelle dont l’Enfer et ses démons sont traités.
Les scénaristes Adi Shankar et Alex Larsen ont en effet glissé une critique on ne peut plus claire de la politique anti-immigration des Etats-Unis de Donald Trump. Si le trait peut être jugé grossier, la réalité l’est malheureusement tout autant…
Je trouve personnellement ce twist bienvenu et parfaitement en accord avec les intentions et références de ses auteurs, sur lesquelles nous allons bientôt nous attarder.
Pour moi, vous l’aurez sans doute compris, le seul gros reproche que je puisse faire à cette nouvelle série animée Devil May Cry est le relatif manque d’originalité qui la caractérise. Mais étonnamment, Adi Shankar, toujours dans l’interview accordée à Forbes, revendique cette approche “sans risque”, surtout comparée à celle qu’il a pu adopter sur la très surprenante série Captain Laserhawk2.
“Avec Devil May Cry je reviens volontairement sur l’autoroute grand public. Je cours après cette énergie populaire du blockbuster estival du début des années 2000. Grand spectacle, grands sentiments, fun décomplexé. Ce n’est pas une copie carbone de ce qui a été fait avant, c’est une boule de feu envoyée droit dans cette culture.”
Le démoniaque lapin de Devil May Cry est donc un hommage direct à Alice au Pays des Merveilles, une oeuvre qui a nourri tout un pan de la pop culture quand il s’agissait de représenter mondes parallèles et réalités alternatives. Matrix est sans doute l’exemple le plus éloquent dans le cadre des influences de la fin des années 90 / début des années 2000 revendiquées par Adi Shankar. La bande son de la série est également truffée de hits de l’époque, dont le Rollin' de Limp Bizkit qui habille le générique d’intro.

Dante lui-même est né en 2001, année de la sortie du premier jeu vidéo Devil May Cry, et il porte en lui le swag (la confidence) du anti-héros typique de cette période : Spike dans Cowboy Bebop, Vash dans Trigun, Alucard dans Hellsing… Des héros d’une “coolitude” consommée, portant en eux une tragédie qui nourrie leur détermination.
Classique donc, mais terriblement efficace, la série affichant un coeur et une énergie au moins aussi énormes que ses origines vidéoludiques et références du début des années 2000. Et Devil May Cry n’hésite pas à multiplier les clins d’oeil pour pleinement assumer son statut de ride nostalgique.
The Raid (à moins que ce ne soit Dredd, sur lequel Adi Shankar a également bossé !3), Sicario, Matrix Reloaded… de nombreuses scènes rendent hommage à des films d’action connus, lorsqu’ils ne sont pas directement cités par Dante (Tango & Cash, L’Arme Fatale). Le jeu vidéo n’est évidemment pas en reste, surtout ceux développés par Capcom (Mega Man, Resident Evil, Street Fighter, etc.), même si les clins d’oeil ne se limitent pas eux. Dance Dance Revolution fait ainsi une apparition remarquée !
J’ai passé un très bon moment devant cette série, qui profite du savoir-faire du studio d’animation sud-coréen Mir (X-Men '97, Skull Island…).
Alors certes, elle ne joue pas dans la même cours que Arcane ou Cyberpunk: Edgerunners, mais parvenir à ce niveau de qualité est rare, et comme nous l’avons vu, cela n’a jamais été son ambition. Devil May Cry se regarde avec la même gourmandise décomplexée et nostalgique qu’un Constantine (2005), un Matrix Reloaded (2003) ou un Terminator 3 (2003)... De solides pourvoyeurs d’indigestions au pop-corn qui ne cherchent pas à révolutionner leur genre sans pour autant trahir leur public !
N’hésitez pas à partager vos avis sur la série dans les commentaires ci-dessous !
On termine avec ce clip vidéo sous-titrée en français de la chanson Afterlife composée pour la série Devil May Cry par Evanescence. Un groupe de rock qui a explosé au début des années 2000 avec le single Bring Me to Life (2003) ! Un grand merci à Capcom France pour avoir partagé cette vidéo et de nombreux autres éléments visuels.
PS: Toutes les images et vidéos de la série Devil May Cry sont tirées des comptes X officiels de Devil May Cry et du studio d’animation Mir, ou ont été fournies par le service presse de Capcom France. Certaines images du jeu vidéo Devil May Cry 5 ont été capturées par mes soins à partir d’une version commerciale du jeu sur PS5 ou téléchargées sur le site officiel Capcom.
Pour en savoir plus sur la série Castlevania, je vous recommande vivement d’écouter la chronique de Marc dans l’épisode 52 du podcast Pixel Bento !
On reviendra sans doute un jour sur l’incroyable série animée Captain Laserhawk: A Blood Dragon Remix du studio français Bobbypills, qui reprenait les personnages de multiples franchises Ubisoft (Rayman, Splinter Cell, Beyond Good & Evil, Assassin’s Creed, etc.) pour les confronter dans une histoire épique, adulte et irrévérencieuse au possible !
The Raid et Dredd sont deux (excellents) films d’action partageant de manière à priori totalement fortuite un cadre ultra similaire : une poignée de flics bloqués dans un immeuble rempli de criminels cherchant à les abattre.
Je connais mal la série de jeux (je n’avais pas de PS2 à l’époque) mais la série m’a donné envie d’essayer au moins l’original.
Le parallèle avec la crise des réfugiés et la politique internationale des US dans la série n’était pas inintéressant mais j’avoue avoir trouvé le traitement un peu maladroit. À voir ce qu’ils vont en faire dans la saison 2…
Je trouve que le design de Lady dans la série la fait ressembler à l’héroïne du jeu Oni de Bungie, je me demande si c’est intentionnel…
Vu et globalement bien aimé. Rien de transcendant mais ça fait le taf. J’ai bien aimé la vibe animé de 2000. Avec de l’animation frénétique. L’ost aussi de cette époque. Assez marrant de réécouter ces groupes.
Je n’en attendais rien et c’est une bonne surprise. J’ai tjs la comparaison avec le travail de Adi Shankar sur Les premières saisons de Castlevania. Donc bonne surprise.
Bien aimé les refs à l’univers Capcom. Dans les designs des armures des soldats, j’y ait vu Captain Commando. 😀
Il y a un élément qui m’a surpris. Il n’y a pas de fan service ou de plans graveleux de Lady. Elle n’est pas sexualisé.
Bref curieux de la S2 (pour le Cliff) mais pas plus excité que ça. Faudrait que je revois la série de 2006. Je n’ai plus aucun souvenirs.