Et vous ? Quel est le jeu qui symbolise votre enfance ?
Pour le Japon, c'est probablement Dragon Quest III. Comme l'atteste la sortie de son remake, qui fait souffler une vague de nostalgie assez unique sur le pays et ses habitants.
Le Japon, comme le reste du monde, aime se réfugier dans l’enfance. Un endroit où il fait (souvent) bon se lover, comme si l’on se retrouvait bien au chaud sous un kotatsu, ou allongé sur un tatami chauffant, recouvert d’une couette de laquelle sortiraient deux petites mains tenant fébrilement une manette Famicom…
Il suffit de voir le nombre hallucinant de remakes et autres remasters lancés cette année (et les précédentes…) pour s’en convaincre ! De la sortie de Final Fantasy VII: Rebirth à celles de Marvel vs. Capcom Fighting Collection: Arcade Classics, en passant par Silent Hill 2 ou encore Luigi’s Mansion 2 HD, il ne faut parfois pas attendre bien longtemps pour voir revenir certains jeux “d’entre les cartons”.
Mais le remake ne se limite pas au jeu vidéo ! La série animée Ranma ½, basée sur le manga de Rumiko Takahashi, a ainsi été “refaite” cette année pour une nouvelle audience par le prolifique studio japonais MAPPA. Le hasard fait que ce manga (1987) et la série animée qui l’a rapidement accompagné (1989) sont contemporains d’une autre œuvre majeure de la pop culture made in Japan : Dragon Quest III.
Lancé en 1988 sur Famicom (la NES en France), soit la première console de salon Nintendo, Dragon Quest III (DQ3 pour les intimes) est devenu un phénomène de société.
Sorti un mercredi dans les magasins, le jeu a entraîné une vague d'absentéisme scolaire sans précédent au Japon. Celle-ci a bien sûr été abondamment relayée par les médias à l’époque, avec des images de files d’attente spectaculaires (les fans ont commencé à faire la queue la veille au soir !) et le récit de quelques actes d'incivilités…
C’est le titre qui a forcé Enix (aujourd’hui Square Enix) à sortir les volets suivants de la série le week-end !
Voici un petit extrait d’un article du site japonais Game Watch, publié en 2023 pour les 35 ans de la sortie du jeu, où le journaliste Tetsuya Inamoto (稲元徹也) partage son expérience personnelle de cette sortie historique :
La date de sortie de Dragon Quest III a été fixée au 10 février 1988 et, comme les jeux d’avant, il est sorti en semaine (un mercredi). On a appris qu’un grand magasin de Tokyo devrait distribuer des billets numérotés à l'avance pour éviter les longues files d'attente en semaine. Alors en compagnie d’un ‘mauvais ami’, on a mis en place un plan machiavélique : ‘On va faire la queue le jour d’avant comme ça on est sûr d’avoir un ticket !’. Maintenant que j’y pense, on était en plein hiver, donc ce n’était pas la meilleure idée du monde, mais ça ne nous a pas du tout traversé l’esprit à l’époque ! Heureusement pour nous, notre plan a mieux marché que prévu. Lorsqu’on est allé au magasin pour faire la queue, on a demandé où se trouvait la file d'attente pour les billets numérotés, et un employé du magasin nous a tout de suite remis des billets ! Je ne sais pas s’il était préoccupé par le fait que nous étions étudiants ou s'il voulait prévenir toute confusion, mais on était désormais certains de pouvoir le récupérer le lendemain. Moi et mon complice sommes rentrés chez nous avec le sourire aux lèvres et on a pu récupérer le jeu en rentrant de l'école le jour de sa sortie !
Une histoire plus chanceuse que la majorité des enfants et des étudiants qui ont fait l’école buissonnière, voire passés la nuit dehors, pour s’exposer ensuite aux remontrances, punitions et rhumes de toute sorte !
Alors depuis cette année 1988, la ferveur Dragon Quest s’est indéniablement calmée.
Le remake de DQ3 est sorti un jeudi après tout, sans débordement visible, même si des files d’attente se sont formées hier matin devant certains magasins. Comme celui du Bic Camera d’Ikebukuro qui avait ouvert pour l’occasion un espace dédié au jeu, à 9:30 du matin, soit 30mn avant l’ouverture du magasin1 !
On sent donc bien une certaine excitation pour cette sortie, avec une campagne marketing intense, un buzz en ligne difficile à ignorer, un achalandage avantageux dans tous les grands magasins, sans oublier les habituelles collaborations avec de grandes marques, comme les konbini Lawson.
Outre l’habituelle loterie pour “gagner” divers goodies (que l’on ne peut pas choisir bien sûr) moyennant l’achat d’un ticket à 750 yens, certains magasins de l’enseigne japonaise concurrente aux 7-Eleven proposeront aussi des paquets de bonbons, et des snacks créés pour l’occasion !
Le magazine de jeu vidéo hebdomadaire Famitsu, sorti hier, a également consacré la couverture de son dernier numéro au remake de Dragon Quest III. Ce qui n’a rien de surprenant, Square Enix ayant l’habitude de squatter les pages du magazine !2 Et bien entendu, le jeu dispose d’une couverture généreuse avec un dossier de 31 pages qui comprend une exceptionnelle interview croisée de Yuji Horii (game designer de la série DQ) et Hironobu Sakaguchi (créateur de la série Final Fantasy3). On apprend ainsi que ce dernier a terminé le remake après y avoir joué plus de 39 heures !
Voici, juste pour le plaisir, un tout petit extrait de cet entretien (toujours traduit par mes soins approximatifs) :
(Sakaguchi) DQIII est sorti aussitôt après Final Fantasy n’est-ce pas…
(Horii) Le 10 février 1988, soit presque deux mois après FF4. Le jeu m’intriguait, donc je me suis dit ‘il est enfin sorti’ et j’ai essayé d’y jouer. J'ai trouvé qu’il n’était pas super bien équilibré (rires).
(Sakaguchi) (rires)
(Horii) Non, j’ai pensé que c’était très bien. Un RPG aussi, mais avec une approche complètement différente. Dans DQ, l’objectif était de permettre au joueur de s’identifier complètement au personnage principal, alors que dans FF le personnage principal parle et l’accent est fortement mis sur l’aspect visuel. J’ai senti que c’était vraiment un jeu à ne pas manquer. (...)
(Sakaguchi) Pour moi, DQ a été le déclic pour créer FF. J'avais déjà réalisé un RPG sur PC, mais je pensais qu'il serait impossible d’en créer un sur la Famicom. La capacité des cartouches ROM était petite, et surtout il était impossible de sauvegarder ! Ce problème a été résolu par DQ avec le système de ‘sorts de résurrection’ (ふっかつのじゅもん)5. Ça m’a ouvert les yeux. ‘On peut donc vraiment faire un RPG sur la Famicom !’, c’est ce qui m’a inspiré pour la création de Final Fantasy.
Extrait de la longue interview publiée dans le numéro 1874 de Famitsu, sorti le 14 novembre 2024 au Japon.
J’adore le ton décontracté - un rien chambreur mais empreint de respect - de cet échange réalisé en vidéo entre Hawaï (où habite Sakaguchi) et Tokyo ! Sans doute les deux plus grandes légendes du jeu de rôle japonais…
Il est donc bien difficile d’échapper à la sortie de ce jeu lorsque l’on habite au Japon. Et l’air de rien, cela participe un peu à l’ambiance souvent un peu plus “cosy” ou douillette, de la fin d’année.
Au-delà du froid de l’hiver, qui nous pousse à hiberner sous nos couettes pour regarder des téléfilms de Noël, de vieux classiques des années 80/90’ (comme Piège de Cristal, LE film de Noël ultime, n’en déplaise aux aficionados du déni de réalité… 😬), ou à ressortir nos jeux vidéo ou séries de prédilection (cocher la case qui vous correspond !), la fin d’année est aussi, pour les plus chanceux et chanceuses d’entre nous, synonyme de retour en famille.
Et ça, Square Enix l’a bien compris ! Avec la diffusion hier de deux vidéos publicitaires mettant en scène un père et son fils, l’éditeur japonais capitalise à mort sur la vague de nostalgie qui traverse le Japon en cette période de l’année. Une nostalgie qui va bien évidemment se retrouver encore renforcée par la ressortie de ce jeu devenu un phénomène en 1988.
“Même si tu perds, les points d’expérience ne diminuent pas…” Lorsqu’un papa donne à son fils des leçons de vie à travers le prisme de Dragon Quest III ! Charmant et efficace, et une recette éprouvée, puisque déjà testée par Square Enix en début d’année pour la sortie de Visions of Mana !
Oui, l’arrivée de l’hiver et des fêtes de fin d’année est souvent un moment idéal pour se replonger dans ses souvenirs d’enfance. Que ce soit en passant du temps avec ceux que nous aimons, en pensant à eux, ou en ouvrant de vieux cartons pour physiquement conjurer notre enfance à l’aide d’objets du passé…
Pour moi, ce serait certainement de vieux magazines JV ou des cartouches MSX comme Nemesis par exemple, ou The Maze of Galious…
N’hésitez pas à partager les jeux qui incarnent le mieux votre enfance dans les commentaires de cet article !
PS: Toutes les photos illustrant cet article ont été prises par mes soins, et l’image de FF7 Rebirth a été capturée à partir d’une version commerciale du jeu sur PS5. En revanche, l’illustration d’intro et les captures d’écran de Dragon Quest III HD-2D Remake proviennent du compte X Dragon Quest et du site officiel du jeu. Enfin, le screen de Silent Hill 2, l’image de la nouvelle série animée Ranma 1/2, et celle des snacks DQ3 sont respectivement issus du site Konami, du site presse de l’anime et du compte X Lawson 100.
Pour voir des photos de l’ouverture du magasin, vous pouvez parcourir l’article publié hier sur le site japonais Game Watch. Merci à mon ami Marc pour le partage du lien !
Pour la sortie de Final Fantasy VII Rebirth, Square Enix s’était “offert” dans Famitsu un dossier de 50 pages ! Qui dit mieux ? Hé bah Final Fantasy XVI et ses 64 pages !!
Hironobu Sakaguchi a quitté Square en 2003 pour monter son propre studio : Mistwalker. Le dernier Final Fantasy sur lequel il est crédité dans un rôle significatif (producteur exécutif) fut donc Final Fantasy X-2, sorti sur PS2 en 2003. Son dernier RPG en date, sorti sur mobiles, s’appelle Fantasian et sera prochainement (le 5 décembre 2024) adapté sur consoles / PC et édité par Square Enix sous le nom de Fantasian: Neo Dimension.
Final Fantasy, premier du nom, est sorti au Japon sur Famicom le 18 décembre 1987.
Les ‘sorts de résurrection’ de Dragon Quest III sur Famicom était en fait une façon marrante d’habiller le système de mots de passe du jeu permettant de sauvegarder sa partie.
Merci pour cet article Thierry,
Pour moi mes premières jeux sont sur Cpc et Amiga... Le premier qui me vient à l'esprit c'est Barbarian sur Cpc, j'etait quand même jeune pour voir des décapitation en pixel... Je me souviens surtout de la jaquette qui avait attiré mon père !!!
Mais les vrais souvenirs sont sur Amiga avec les jeux bitmap brothers et Psynosis avec Speedball (ICE sceaaaammmmm) et le magnifique shadow of the beast..
Voilà pleins de bisous Thierry et merci encore !
Idem étrangement, The maze of galious ! 🙃
Même si je préfères toujours dire "le jeu avec Popolon et Aphrodite !" 🤣