Les ninjas sortent de l'ombre
Cheveux blancs et cagoules noires : quand de vénérables maîtres du pixel s'emparent d'un mythe...
Comment ne pas aimer les ninjas ?
Mortels caméléons aux poches remplies de gadgets…
Silencieux et si rapides que leurs mouvements peinent à s’esquisser, comme les volutes dispersées par le vent de leurs bombes fumigènes…
Visages cadrés comme dans un film de Sergio Leone, l’interstice de leur cagoule ne révélant que leurs yeux impassibles…
Entre le voleur et l’assassin, la mystique en prime, le ninja est une véritable icône de la pop culture. Même si celle-ci a été quelque peu dévoyée par d’innombrables films et autres direct-to-video indubitablement Z.
Mais le jeu vidéo l’a toujours respecté, tout particulièrement dans les années 80 / 90.
On pense à des classiques comme Ninja Gaiden (1988 - Tecmo) bien sûr, mais aussi Shinobi (1987 - Sega), The Last Ninja (System 3 - 1987), Ninja Spirit (Irem - 1988), The Ninja Warriors (1994 - Natsume), Tenchu (1998 - Acquire)… Oserais-je ajouter à cette liste : Zool (1992 - Gremlin), le “Ninja de la Nth Dimension” ?!1
Aux côtés, ou plutôt dans l’ombre de Ninja Gaiden, se cache un autre titre ayant connu son heure de gloire sur NES, un certain : 闇の仕事人 KAGE alias Yami no Shigotonin Kage (littéralement : “le travailleur de l’obscurité : OMBRE”). Ce jeu japonais est sorti sous deux noms distincts en occident : Shadow of the Ninja et Blue Shadow… Pourquoi faire simple lorsque l’on peut faire alambiqué !
Shadow of the Ninja a été développé sur NES par le studio japonais Natsume. Et c’est ce titre sorti en 1990 qui s’offre aujourd’hui un remake se démarquant d’emblée sur deux points :
C’est le remake 16-bit d’un jeu 8-bit, un peu comme si le jeu NES original avait été adapté sur Super Nintendo, mais en 2024 !
Ce sont trois vétérans du studio Natsume qui ont développé ce Shadow of the Ninja : Reborn
Tengo Project est une entité “spéciale” (dixit leur présentation officielle !) au sein de Natsume Atari. Elle a été fondée par plusieurs vieux briscards dont Shunichi Taniguchi (graphiste / designer), qui s’était occupé des graphismes du jeu original, ainsi que Toshiyasu Miyabe (programmeur) et Hiroyuki Iwatsuki (compositeur), qui ont débuté chez Natsume à la fin des années 80.
Des ojisan donc - la moyenne d’âge de l’équipe serait ainsi de 54 ans ! - dont la passion pour les classiques de Natsume n’est pas nouvelle !
Shadow of the Ninja : Reborn est en effet leur 4ème remake après : Wild Guns Reloaded (2016), The Ninja Warriors Once Again (2019) et Pocky & Rocky Reshrined (2022) !
Mais si vous voulez découvrir ces jeux et les visages de cette fine équipe de “tontons”, vous pouvez regarder ce mini documentaire promotionnel publié sur la chaîne YouTube de ININ Games, l’éditeur du jeu en occident. 👇
Contrairement aux remakes précédents, la refonte visuelle de Shadow of the Ninja est colossale et a nécessité un travail bien plus important. Passer d’un jeu 8-bit à un jeu 16-bit ++ (on est au final beaucoup plus proche de graphismes Neo Geo que Super Nintendo !) n’a en effet rien d’une sinécure.
En fait, on est clairement face à un nouveau jeu à part entière !
Plus qu’un remake, Shadow of the Ninja : Reborn est une réinterprétation à la limite de la réinventation du titre original.
Et on peut rapprocher ici le travail de Tengo Project de celui de Lizardcube sur Wonder Boy: The Dragon’s Trap. Même si contrairement au jeu français il n’est pas une reproduction 1:1 du jeu originel (loin de là !) et ne permet donc pas de basculer en temps réel d’une version à l’autre.
La facture artistique du jeu contribue grandement à son pouvoir d’attraction, mais aussi à sa rejouabilité. Le plaisir de découvrir et d’explorer les niveaux de fond en comble est l’un des aiguillons qui poussera joueuses et joueurs à serrer les dents et à avancer malgré la difficulté de ce Shadow of the Ninja : Reborn.
Ensuite, si la structure et le design du jeu restent globalement similaires, ce remake innove tous azimuts…
Le level design a radicalement évolué et Tengo Project fait ici montre d’une inventivité inattendue avec des environnements plus vastes, plus riches, démultipliant la sensation d’exploration. Le jeu propose en outre des ajouts aussi surprenants qu’originaux. Je pense notamment à cette section où l’on évolue à l’intérieur et autour d’un monte-charge qui ne cesse de changer de forme. On est ainsi obligé de se déplacer stratégiquement dans cet espace confiné pour éviter les jets de flammes qui s’enclenchent à gauche et à droite ! Ce Shadow of the Ninja : Reborn est parvenu, à ma grande surprise…. Hé ben à me surprendre justement ! Ce à quoi, je l’avoue, je ne m’attendais absolument pas. Et puis, au passage, le jeu propose 6 niveaux et non plus 5 !
Une petite vidéo faite maison du fameux monte-charge, issue de la version Switch japonaise !
Les boss ont bien… grandi (!) et changé. Le samouraï en armure d’or qui nous attendait à la fin du stage 3, par exemple, ne se contente plus de renaître de ses débris mais gagne désormais quelques dizaines de centimètres à chaque fois qu’il ressuscite, jusqu’à devenir absolument gargantuesque !
Le panel de mouvements des ninjas a également été sévèrement étoffé et… complexifié. Je vous conseille donc d’aller jeter un œil au manuel (dans les options de jeu) pour ne pas vous retrouver démuni, comme certains testeurs, face à des sauts à priori impossibles… Les ninjas peuvent en effet désormais utiliser leur katana comme un pogo stick ; courir le long des murs ; dasher au sol ; flotter en exécutant des petites vrilles dans les airs ; etc. De vrais ninjas en fait ! La richesse de mouvements est telle que l’on peut finir le jeu sans les avoir tous utilisés ou tout du moins exploités au maximum de leur potentiel !
Alors, je suis assez fier de la petite série de moves à la fin de ce court extrait de gameplay :p
Les bonus ont aussi profité d’un gros upgrade avec l’ajout de nourriture pour retrouver sa santé (oui, il s’agit bien d’un jeu japonais !), ou d’une boisson énergétique permettant de booster sa force. Sans oublier une tonne d’armes secondaires aux propriétés uniques, qui piochent autant dans le Japon féodal que dans la SF : kunai, shuriken, onikanabo (masse démoniaque) ou… minigun ! À noter que tous ces bonus et armes aux munitions ou utilisations limitées peuvent être débloqués (53 en tout !!) pour être “achetés”, afin de commencer une nouvelle partie avec un avantage.
Enfin, la difficulté du jeu a été remaniée, même si elle reste “à l’ancienne” et donc assez relevée ! En mode Normal, on peut ainsi recommencer sans limite de vies ou de continues entre les niveaux intermédiaires (1.2, 1.3, Boss). Il n’est donc pas nécessaire de reprendre depuis le tout début lorsque l’on meurt ! Et surtout, plusieurs morts d’affilée entraînent l’apparition magnanime de bonus supplémentaires dans votre barre d’équipement, d’abord une boisson énergétique, puis deux, et enfin un petit onigiri pour regagner de la vie ! Avec un peu d’apprentissage et de patience, il n’est donc pas trop difficile de finir le jeu, mais le challenge est bien là et peut même être corsé avec la possibilité d’uploader son score dans un classement en ligne - ce qui nous pousse à tenter d’aller le plus loin possible sans mourir - ou la présence d’une option Difficile (accessible dès le début). A noter ici que, contrairement aux apparences (je me suis aussi fait avoir) et aux critiques de bien des sites (à l’exception notable de la superbe critique de la chaîne YouTube Digital Foundry), il n’est pas nécessaire de finir le jeu d’une traite ! Le jeu sauvegarde bien entre les niveaux et conserve votre progression. Il faut simplement quitter la partie en appuyant sur le bouton “EXIT” de l’écran “CONTINUE” lorsque l’on perd une vie, et non pas la quitter manuellement à partir de l’écran Pause !
Voilà pour les grosses nouveautés !
Pas mal non ? Shadow of the Ninja : Reborn propose qui plus est, comme la version NES, la possibilité de finir le jeu en coop’ local avec deux personnages : un ninja (Hayate) et une kunoichi (Kaede), qui se contrôlent légèrement différemment.
Si Kaede est plus rapide, elle souffre d’un saut plus court, assez frustrant et plutôt handicapant. L’un des rares points faibles du jeu, même si ce choix vise sans doute à en faire le personnage obligé (avec un zeste de difficulté supplémentaire) des speedrunners.
Mais il serait criminel de terminer cet article sans parler de la musique du jeu !
La musique du premier niveau de Shadow of the Ninja sur NES, dont j’avais déjà diffusé un morceau dans un épisode du podcast Pixel Bento !
Celle-ci, ultra culte, est à mon sens l’une des meilleures bandes originales de la génération 8-bit (du coup, j’aurais adoré avoir la possibilité de jouer avec celle-ci en la sélectionnant via une option de jeu) !
On la doit au compositeur Iku Mizutani, qui a bien entendu participé à la réorchestration et à l’enregistrement des musiques du remake aux côtés de Hiroyuki Iwatsuki de Tengo Project !
Le résultat fait plus qu’honneur au jeu original, finissant de transformer ce Shadow of the Ninja : Reborn en un titre indispensable pour toutes celles et ceux qui :
ont aimé le jeu original - d’ailleurs accessible sur la chaîne NES pour les abonné(e)s Switch Online
kiffent les ninjas
adorent le beau pixel période 16/32-bit
raffolent des action-platformer à l’ancienne, enchaînant sans répit les niveaux et sous-niveaux craftés avec amour par des pionniers du genre
ne jurent que par le 60fps
souhaitent un gameplay à la fois précis et exigeant
Et si vous appartenez à l’une de ces catégories (et il y a des chances pour que ce soit le cas !), mais hésitez encore : une démo jouable est téléchargeable gratuitement sur toutes les plates-formes !
PS : Toutes les images et vidéos de Shadow of the Ninja : Reborn illustrant cet article ont été capturées par l’auteur de cet article à partir d’une version commerciale Switch. Les flyers Arcade de Ninja Gaiden et Shinobi proviennent du site The Arcade Flyer Archive ; le poster du film Surf Ninjas du site IMDB ; le visuel de la réédition NES du site Limited Run ; et enfin la jaquette ST de Zool de sa page Fandom.
J’ai osé.
Merci Thierry, tout adorateur de la culture japonaise aime les Ninjas... Je sais pas pourquoi mais j'ai pensé à l'académie des Ninjas le dessin animé 🤪 mais ma première vraie expérience sur ce thème c'est "The Ninja" sur master système...
Mais vraiment le jeu qui me vients à l'esprit avec des ninjas, c'est samouraï shodown avec les personnages de Hanzo et de Galford... 💪
Merci Thierry pour ce bon moment, je file prendre le jeu sur la Switch ❤️ bisous
Excellante newletter ! Merci Thierry. Quel plaisir de voire que des vétérants restent aussi passionés au point de revisiter leur jeux sans en dénaturer leur note d'intention. Cela donne vachement envie d'essayer.
Est-ce préparatoire à un podcast pixel bento dédié aux Ninjas :) ? C'est vrai que pour le coup y'aurait de quoi faire.