COCOON, le petit scarabée qui portait des mondes sur ses épaules
Un jeu de réflexion qui ne prend pas ses joueurs pour des billes, par le lead gameplay designer de INSIDE.
Cocoon propose un concept fascinant qui n’est pas sans rappeler la fin du premier Men in Black avec Will Smith et Tommy Lee Jones ! Vous vous souvenez de ce film réalisé par Barry Sonnenfeld et produit par Steven Spielberg, sorti en 1997 ? Il se terminait par une scène assez mémorable réalisée par le studio d’effets spéciaux ILM, où l’on partait d’une vue aérienne de la voiture des Men in Black pour dézoomer hors de New York, puis hors du continent américain, de notre planète, galaxie… et finalement comprendre au bout de ce long dézoom de 30 secondes, que notre univers tout entier est contenu dans une bille avec laquelle joue nonchalamment un immense alien aux bras (tentacules ?) interminables !
Dans Cocoon, quelque part, le joueur est cet alien. Une créature sur laquelle on ne sait rien, dont il faut deviner la raison d’être, et qui pourrait tout à fait se révéler être une divinité. Tel le titan Atlas, mais en mode “petit scarabée”, le joueur se déplace AVEC et DANS de subjuguants mondes aliens. Non content de se déplacer de l’un à l’autre, et de l’un dans l’autre, en activant des points de téléportation dans ces environnements bio-mécaniques d’une beauté singulière, il peut aussi les transporter et les manipuler.
Car ces mondes sont contenus dans ce qui ressemble à s’y méprendre à des billes (!), qu’il soulève et trimballe avec lui, et à l’intérieur desquelles notre insecte-dieu peut littéralement plonger, ou au contraire émerger. Lorsqu’il plonge dans un monde, il peut même emmener avec lui un autre monde, pour les imbriquer les uns dans les autres, comme s’il s’agissait de poupées russes ! Intriguant non ?!
On débute le jeu en sortant de son cocon, sans savoir où l’on est, ni ce que l’on doit faire. Et le jeu ne nous l’expliquera jamais ! C’est à force d’exploration que l’on finit par comprendre la mécanique centrale du jeu, qui consiste à déplacer ces billes/mondes afin d’activer ou de contrôler des machines, des créatures, voire les deux à la fois. Et ce, toujours dans l’idée d’en apprendre plus sur ces mondes, ce qui les unit, et notre rôle en tant qu’Atlas miniature.
Au fil de ses pérégrinations, le joueur sera amené à réveiller des créatures insectoïdes à la fois sublimes et inquiétantes, amicales et dangereuses - on ne sait jamais trop sur quel pied danser ! - pour s’enfoncer toujours plus loin dans ces mondes étranges qui semblent liés les uns aux autres comme les perles d’un collier. Ces mondes sont à la fois des lieux, des points d’entrée et de sortie, des clés, voire des rouages, mais ce sont aussi des pouvoirs. Porter une bille/monde confère à notre petit scarabée une capacité unique, qui altère la manière dont il peut interagir avec les environnements, que ce soit en faisant apparaître des chemins autrement invisibles, ou en lui permettant d’utiliser des espèces d’ascenseurs immatériels par exemple.
Vous l’aurez compris, le succès de Cocoon doit tout au travail d’orfèvre réalisé par le jeune studio danois Geometric Interactive sur les deux piliers du jeu :
. L’exploration. Soit la découverte de ces billes/mondes étranges, aux biomes et mécaniques uniques.
. La réflexion. Et tout particulièrement le plaisir procuré par la compréhension et la résolution des puzzles proposés.
Ces deux piliers se répondent et se nourrissent l’un l’autre. L’exploration ne peut se faire sans résoudre les puzzles, et la résolution des puzzles nécessite d’explorer et de comprendre la logique interne à ces billes/mondes, que l’on peut emporter avec nous et emboîter les uns dans les autres comme les rêves du film Inception.
Pour moi, le point de bascule qui m’a mené de “oh c’est un super jeu” à “mais c’est juste brillant’, tient à l’un des rares puzzles sur lesquels j’ai bloqué. C’est en effet à ce moment-là que je me suis rendu compte que le level design lui-même était utilisé pour glisser des indices visuels au joueur. Et que j’étais coincé uniquement parce que je les avais ignorés pour m’obstiner à rester sur le chemin que je pensais être le bon, alors que rien dans le jeu ne le suggérait. Pour résoudre les puzzles de Cocoon, il convient avant tout d’être attentif. Et malgré leur inhérente complexité, les énigmes proposées sont d’une telle élégance, et font tellement corps avec le reste du jeu, que leur résolution semble aller de soi.
Jeppe Carlsen, le game director de Cocoon, et lead gameplay designer de Limbo et Inside lorsqu’il travaillait chez Playdead, a déclaré sur son compte X (twitter) : "Quand j'ai arrêté de me demander ‘ce puzzle est-il assez difficile’ pour plutôt me demander ‘ce puzzle est-il suffisamment stimulant’ - COCOON est devenu un bien meilleur jeu. Certains puzzles sont de véritables casse-têtes, mais d'autres servent simplement à vous connecter au(x) monde(s).” Et c’est de cette connexion, que le jeu tire l’essentiel de sa force.
Mais non content de proposer une direction artistique destinée à faire vendre des palettes d’Art Books, une ambiance sonore (signée par Jakob Schmid, co-fondateur du studio) rappelant le travail réalisé sur Hyper Light Drifter par Disasterpeace, et des puzzles d’une élégance à faire frémir Galadriel, Cocoon propose aussi des phases plus rythmiques et orientées action parfaitement intégrées au jeu, et il se termine en 5-6 heures ! Il peut donc se finir en l’espace de quelques soirées, ce qui est aussi rare qu’appréciable vu l’actualité FOLLE de cette année 2023 ! Et le jeu coûtant 25 euros, on en a pour son argent. Mais il faut tout de même préciser qu’en faisant le choix d'un design épuré et d’une expérience concise, Cocoon ne peut prétendre atteindre la puissance narrative et l’impact émotionnel d’un Inside, ni la rejouabilité d’un Hyper Light Drifter. Le maître mot ici est… minimalisme, et l’expérience compacte proposée se suffit largement à elle-même.
Ah, et il m’est impossible de conclure cet article sans partager avec vous ce qui aurait été pour moi le titre idéal du jeu, bien meilleur que Cocoon : Marble Madness !! Non ? Je suis tout seul à penser ça ?! Inside aurait également été un bon titre sinon…
Bon, c’est fini. Cet article est fini. Faut aller télécharger le jeu maintenant.
Ah non pas celui-là… celui là :
PS: les images et vidéos illustrant cet article ont été capturées par mes soins à partir d’une version commerciale ( PlayStation 5) du jeu. La jaquette de Marble Madness vient du site The Arcade Flyer Archive, tandis que le visuel final de Cocoon est issu de son site officiel. Enfin, l’artwork créé par Erwin Kho pour un autre projet provient de son portfolio, que vous pouvez consulter ici : https://zerbamine.nl/
Ce monde bio mécanique a l'air vraiment onirique, et enfin un jeu court, c'est top ! Ce sera un bon jeu de vacances de Noël ! Merci !