Ne passez pas à côté de cette série animée…
Unique, sublime, imprévisible, terrifiante… Pas d'inquiétude, votre enthousiasme futur pour Scavengers Reign ne craint pas l’érosion des superlatifs. Un article 100% sans spoiler.
Cela vous est déjà arrivé que l’on vous conseille une oeuvre pour ne pas immédiatement lui donner sa chance, et vous rendre compte des années plus tard à quel point cette négligence fut une erreur ?
C’est ce que j’ai vécu en découvrant (dans un avion !) les quatre premiers épisodes de la série animée américaine Scavengers Reign, une série SF, mature et ambitieuse, qui m’avait été vivement recommandée par un ami à sa sortie… en 2023 (merci Julien, et puis Medoc aussi pour en avoir récemment remis une couche dans Cosy Corner !).
De retour chez moi, je me suis précipité sur les épisodes suivants pour les dévorer dans une espèce de transe ininterrompue, qui m’a laissé aussi épuisé que rassasié… Rassasié comme on ne peut l’être que par une oeuvre qui nous cueille par surprise pour nous emmener, fébrile et déstabilisé, là on ne l’attend pas. Rassasié, aussi, par son humanité, sa justesse et surtout - surtout ! - sa profonde originalité.
Scavengers Reign débute avec une information : le Demeter 227, un gigantesque vaisseau de transport, n’est pas arrivé à bon port. Il a subitement changé de trajectoire avant de disparaître. Cette information est immédiatement suivie d’une autre : s’il y a des survivants parmi l’équipage, personne ne viendra à leur secours.
C’est ainsi que l’on découvre trois groupes de survivants, séparés et échoués sur une planète alien, où ils tentent chacun à leur façon de survivre.
On dirait un pitch de jeu vidéo non ? Un peu comme si on lançait une partie de Subnautica ou The Callisto Protocol ! Comme dans le premier, Scavengers Reign propose l’exploration d’un écosystème (plusieurs en fait) inconnu, et à l’image du second comporte aussi des éléments liés à l’épouvante et au “body horror”.
Car ne vous y méprenez pas, Scavengers Reign est une série destinée à un public mature. Au-delà même de certaines scènes chocs, ce sont réellement les thèmes explorés et les vertigineux arcs de développement psychologique des personnages qui destinent cette oeuvre à un public adulte.
Lorsqu’ils atterrissent sur cette planète dans leurs capsules de sauvetage, les survivants apportent avec eux un bagage émotionnel dont le poids pourra s’avérer écrasant. Ce n’est pas un hasard si le motif visuel de la chute revient à de multiples reprises dans la série…

Si le traitement des personnages est passionnant, c’est celui de la planète elle-même qui achève de distinguer Scavengers Reign pour en faire une série exceptionnelle.
L’émerveillement, la terreur, la surprise… l’éventail des émotions ressenties par les personnages au contact de cette nature imprévisible (n’ayant absolument rien à voir avec celle que l’on connaît sur Terre) nous impacte tout autant. Honnêtement, en regardant cette série je me suis davantage senti dans la peau d’un témoin privilégié que dans celle d’un spectateur. La représentation visuelle de cette nature alien est d’une ambition folle. Elle embrasse quelque chose de plus dérangeant, de plus organique et “poisseux” que ce que proposait l’Avatar de James Cameron par exemple (films que j’aime er respecte énormément).
Non seulement la direction artistique de cette série est remarquable, mais l’inventivité dont elle fait preuve dans la représentation des espèces et nombreux écosystèmes qu’elle dépeint est tout bonnement saisissante. Vraiment…

La relation symbiotique qui s’installe, pour le meilleur et le pire, entre les personnages et les créatures qu’ils sont amenés à croiser, dépasse largement ce que l’on a l’habitude de voir en SF (en dehors des romans). Cette rencontre entre l’humain et la nature prend une dimension métaphysique qui donne le vertige, et interroge. Il m’est arrivé, chose rare, de devoir “digérer” une scène, tant la série ose sonder ces personnages pour parvenir à créer une promiscuité parfois dérangeante.
Avant de devenir une série, Scavengers Reign a connu une autre vie, celle d’un court métrage financé par Adult Swim.
Appelé Scavengers et sorti en 2016, ce short de 8 minutes est le brillant bouillon dont la plupart des ingrédients thématiques allaient être repris et étoffés dans la série HBO Max. Il en possède aussi l’identité visuelle marquante, développée par Charles Huettner, l’un des deux co-créateurs du short (et plus tard de la série) avec Joseph Bennett. On peut vraiment considérer Scavengers comme étant à la fois une brillante “animatique” et le pitch de la série.
Voici d’ailleurs quelques background art, tirés du site personnel de Charles, utilisés durant la création du court métrage Adult Swim.



Et voici le short en question…
Si vous avez la possibilité de voir la série HBO Max avant, c’est mieux. Mais si c’est compliqué alors foncez, ce court métrage est aussi une merveille.
Les deux co-créateurs du court et de la série ne cachent pas leurs influences, qui après la lecture de ces quelques lignes et les images qui les illustrent ne devraient plus vous surprendre.
La Planète Sauvage de René Laloux bien sûr, chef d’oeuvre surréaliste dont l’étrangeté est toujours aussi prégnante aujourd’hui qu’en 1973, revient régulièrement dans les interviews de Joseph Bennett. Moins citée il me semble, mais cependant au moins aussi importante, l’influence des dessins de Moebius - trait, texture et mise en couleur - saute littéralement aux yeux…
Et la référence qui revient le plus souvent est, bien évidemment, le long métrage animé Nausicaä de la Vallée du Vent.



Les deux oeuvres partagent le même élan, à la fois onirique et réaliste, dans leur façon de mettre en scène la nature. Dans les deux cas, les humains doivent apprendre à vivre avec elle, pour ne plus se contenter de l’exploiter.
J’en profite pour mentionner ici la très belle bande originale du jeune compositeur Nicolas Snyder, qui a enchaîné avec la nouvelle série de Joseph Bennett (et Steve Hely) : Common Side Effects. Parce que, oui… Scavengers Reign n’a pas été reconduite après sa Saison 1 par HBO Max ou un autre diffuseur. Cette saison restera donc orpheline. Et étrangement, j’ai plus envie de célébrer son existence que de me lamenter sur sa brièveté.
Je suis heureux que cette Saison 1, née d’un court métrage étrange et hypnotique, existe.
Je suis heureux d’avoir pu la découvrir, même avec un tel retard. Et je me permets ici de vous la recommander à mon tour, de tout mon coeur.
Si vous ne la regardez finalement que dans un ou deux ans, ce n’est pas si grave. Car contrairement à nous, Scavengers Reign ne vieillira pas :-)
PS: Toutes les images de Scavengers Reign sont issues du site Presse US de Warner Bros Discovery et du site personnel de Charles Huettner, l’un de ses co-créateurs. Celles du long métrage animé Nausicaä de la Vallée du Vent proviennent du site officiel japonais des studios Ghibli.
Aah merci de parler de cette série ! Je n'arrête pas de la conseiller autour de moi, et c'est toujours compliqué parce qu'elle n'est même pas disponible en France légalement, sur aucune plateforme. C'est assez injuste vu la qualité de la série et ça aurait pu conduire à une suite vraiment cool
D'ailleurs les créateurs avaient quand même fait un "teaser" de ce qu'aurait pu être la saison 2, c'est dispo ici (évidemment ça spoile la fin de la saison 1)
https://youtu.be/kSEPJ9OtQb8?si=u2DHCQIIcGnGxbD5
J'ai laissé sur bluesky un commentaire après le 1 er épisode en disant que la série me rappelait la BD Aldebaran. Dans sa manière d'inventer une faune alien, la série est très proche en effet. C'est dépaysant, et original.
J'ai passé un très bon moment.