Arcade Classics in Japan : Rockman The Power Battle
Aujourd’hui, on introduit une nouvelle rubrique dans cette newsletter ! On s’intéresse à un jeu d’arcade, rétro bien sûr, classique ou méconnu, tout en célébrant la culture du Game Center japonais !
La culture Arcade, pour qui n’a pas grandi dans les années 70/80, peut à priori sembler un chouille étrange. Ces salles, aujourd’hui en voie de disparition, sont avant toute chose des bulles temporelles. Au cœur de celles-ci reposent des dizaines de bornes et quelques cabinets mécanisés, épousant la plupart du temps les formes d’une voiture ou d’un cockpit. Tous proposent de jouer pendant quelques minutes à des jeux vidéo généralement sortis entre le début des années 80 et la fin des années 90 en échange d’une pièce de monnaie. Si vous perdez, il faut alors “repasser à la poche” pour continuer à jouer et ainsi conserver sa progression. Sachant que ces jeux ont été conçus autour de cet échange financier, leur difficulté est réglée de manière à ce que la salle d’arcade (et non pas le joueur) en ait pour son argent !
Pour celles et ceux qui ont grandi avec Internet, les smartphones et l'hégémonie culturelle du jeu vidéo dans nos vies quotidiennes, ces salles d’arcade peuvent à priori sembler désuètes ou s’apparenter à des Musées. Après tout, la plupart de ces “classiques de l’arcade” ont été émulés et/ou adaptés sur consoles et ordinateurs. Pourquoi donc faire l’effort de se déplacer jusqu’à celles-ci pour y dépenser son argent ? Les réponses à cette question sont multiples. Déjà, ces salles sont des lieux de rendez-vous, d’échange et de compétition. On peut s’y rendre entre amis et faire quelques parties ensemble ou les uns contre les autres, la plupart de ces jeux proposant des options multijoueur. Il est aussi possible de “butiner”, en passant d’un jeu à l’autre, comme le ferait un(e) abonné(e) Game Pass. Sauf qu’ici, les jeux sont conçus pour offrir des expériences courtes et impactantes, un jeu pouvant en règle générale se finir en à peine plus d’une demi-heure. Enfin, comme dans un Musée qui permet de voir les œuvres originales dans toute leur immaculée splendeur, et non des copies, les jeux peuvent être expérimentés dans leur forme la plus pure. Aucun temps de latence ici, les contrôles répondent au quart de tour !
Mais les salles d’arcade, appelées Game Center au Japon, ou plus affectueusement “GéSen” (ゲーセン), sont aussi l’opportunité de se replonger dans un écosystème vidéoludique unique, où les jeux ont été conçus pour séduire leur public avec l'efficacité du Grizzly chassant le saumon. Que ce soit en regardant quelqu’un jouer ou en jouant soi-même, il fallait que le jeu “happe” son public en un temps record et le scotche devant la machine en le poussant à la nourrir régulièrement de pièces de monnaie. Par essence, mais surtout par nécessité, un jeu d’arcade se doit d’être immédiatement compréhensible et addictif, et ce quelque que soit son genre. Les jeux d’arcade sont donc des leçons de game design, d’ergonomie et de lisibilité, et embrassent le concept du “facteur fun” avec une redoutable efficacité.
Mais pour les plus vieux, qui comme moi ont grandi avec les générations 8/16-bit, l’arcade était aussi une fenêtre sur le futur, le meilleur de ce que le jeu vidéo pouvait offrir. La version optimale était toujours la version arcade, et les portages sur consoles ou micro-ordinateurs n’étaient que l’ombre de leurs modèles originaux. Seule la NeoGeo a réellement changé la donne en proposant l’arcade à la maison, moyennant des prix absolument exorbitants. Jouer à Gradius sur MSX, Street Fighter 2 sur SNES, Ninja Warriors sur Amiga ou Virtua Fighter sur Saturn, pour ensuite découvrir les versions Arcade d’origine, revenait à jouer pour la première fois avec des lunettes adaptées à sa vue. Une expérience unique !
Ce n’est plus le cas aujourd’hui, les salles d’arcade ont cessé d’être les vitrines de l’industrie du jeu vidéo. Mais pendant longtemps, elles représentèrent quelque chose de réellement spécial.
Tomber par hasard sur Rockman: The Power Battle (alias Mega Man: The Power Battle en occident) dans la mythique salle d’arcade Mikado de Takadanobaba, fut donc une jolie surprise. Sorti fin 1995 et développé par Capcom, ce jeu de baston jouable en solo ou à 2 a la particularité de ne pas proposer aux joueurs de s’affronter, mais au contraire de s’associer pour enchaîner les combats contre les très emblématiques boss de la franchise Capcom. Dès le premier jeu sorti sur NES en 1987, Mega Man a centré son identité sur ses boss.
Il fut l’un des premiers jeux à proposer une structure ouverte en laissant le joueur choisir le niveau avec lequel commencer. Et chaque niveau était identifié par le portrait du boss qui l’attendait à la fin ! Ce principe a été conservé sur tous les Mega Man (11 en tout quand même), ainsi que tous les volets de sa série spin-off Mega Man X (8 titres). Les boss font partie de l’ADN de la franchise. D’autant plus que chacun d’entre eux, une fois vaincu, donnait au joueur une nouvelle arme, qui pouvait s’avérer redoutablement efficace contre certains boss. A tel point que l’on peut aujourd’hui littéralement trouver des millions de listes dédiées à l’ordre optimal dans lequel affronter les boss de chaque jeu. Une simple recherche Google avec les mots clés “Mega Man Boss Order” a donné… 131 millions de résultats !
Et c’est là, peut être, que se situe tout le génie de Mega Man / Rockman : The Power Battle. Il permet aux fans de redécouvrir les boss qu’ils ont affronté et étudié de par le passé sur NES et Super Nintendo. Le jeu propose en effet 3 modes de jeu, ou plutôt 3 histoires : Mega Man 1-2; Mega Man 3-6; et Mega Man 7. Chaque “histoire” est une sélection différente de boss correspondant aux jeux mentionnés. En choisissant l’histoire Mega Man 1-2, les joueurs peuvent affronter une série de boss tirés des deux premiers jeux (très cultes) sortis sur NES en 87 et 88. Sauf qu’ici, les boss profitent d’un “lifting arcade” complet et apparaissent dans une splendeur pixelisée absolument irrésistible et surtout irréalisable sur la petite console 8-bit de Nintendo !
Mega Man: The Power Battle a l’élégance de tirer parti de l’identité de la franchise en allant jusqu’à se focaliser sur les “boss rush” qui précédaient l’affrontement contre le Dr. Wily. Ce scientifique diabolique, qui est en quelque sorte le “Bowser” de la série Mega Man, ne daignait en effet affronter le joueur qu’après qu’il ait battu une seconde fois tous les boss du jeu, dans un showdown épique ! Mais Power Battle est avant tout un pot-pourri célébrant la franchise de Capcom et tout particulièrement ses années NES/8-bit; le seul et unique jeu 16-bit représenté n’étant autre que Mega Man 7, sorti en mars 95 sur SNES, soit quelques mois seulement avant cette version spéciale destinée aux salles d’arcade.
Un pot-pourri donc, dont la confondante simplicité (2 boutons : tir et saut, avec possibilité de charger son arme, de glisser au sol et de changer d’arme une fois le premier boss battu) et le niveau de difficulté peu élevé, semblent prouver qu’il cherche davantage à célébrer qu’à challenger. Cette connivence avec les fans de Mega Man, à laquelle s’ajoute la possibilité de jouer en coop’ à deux (une option alors inédite dans la série), font de ce jeu somme toute assez basique un vrai petit bonbon, à déguster en mode décontracté du stick, dans ce petit espace hors du temps qu’est une salle d’arcade.
Pour en savoir plus sur l’histoire de la série Mega Man / Rockman, retrouvez la team Pixel Bento au grand complet, dans l’épisode #30 du podcast : Pixel Bento souffle les 35 bougies de Mega Man !, dont voici un petit extrait !
PS: les images et photos illustrant cet article ont été prises ou capturées par mes soins à partir des versions commerciales de Mega Man Legacy Collection (version Switch), ainsi que du jeu Mega Man: The Power Battle sorti dans le cadre de la compilation “en kit” (on achète les jeux à l’unité) Capcom Arcade 2nd Stadium sorti en 2022 sur Nintendo Switch (également dispo sur PS4, Xbox1 et Steam).
Super idée de faire une série d'articles sur des jeux arcade !